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tome 4, Chapitre 3 tome 4, Chapitre 3

- Vous n'avez jamais voulu jouer d'un autre instrument ? se risque-t'il un jour à questionner la jeune femme.

Victoire qui chantait une ballade s'arrête, elle ne dit rien durant un moment toute à sa réflexion.

- Je n'ai jamais eu un tel instrument à portée de main, je n'ai eu que le clavecin de ma mère donc je ne me suis jamais posé la question. Et vous ?

- Mon père m'a encouragé et comme le violon m'attirait, il m'en a offert un dès mon plus jeune âge. Je n'ai jamais su d'où venait cette attirance, sans doute le son de cet instrument et les émotions qu'il peut exprimer, la manière dont l'archet fait vibrer les notes pour explorer les tréfonds de notre âme. Vous voulez l'essayer ?

Victoire lève les yeux sur lui avec un sourire et elle laisse le musicien se placer derrière elle pour lui montrer comment le tenir. Florentin qui n'a jamais été aussi proche d'elle physiquement comprend qu'il ressent plus que de l'amitié pour elle et il ne peut se retenir d'effleurer ses cheveux de ses lèvres. Elle se tourne vers lui et il hésite à l'embrasser avant de se raviser.

- Je vous demande pardon... Je... Où en étions-nous ? dit-il pour masquer son trouble.

Un long moment, le violoniste lui montre comment tenir l'instrument et en tirer un son jusqu'à ce que Victoire le lui rende avec un sourire timide.

- Vous m'excuserez mais je préfère mon clavecin.

- Avons-nous fini pour aujourd'hui ?

- Il y a un problème ? s'étonne-t'elle. Si je vous ai offensé...

- C'est que j'ai une mélodie en tête qui ne quitte pas.

Victoire lui donne de quoi écrire et elle se plonge dans la lecture d'un livre qu'elle avait oublié sur un fauteuil. A son côté, le musicien trace les notes qui lui emplissent la tête et il sursaute lorsqu'il voit la jeune fille penchée vers lui.

- Je dois y aller. A demain ?

- A demain.

Au fil des jours, les deux jeunes gens améliorent leurs duos jusqu'à ce que Florentin se sente satisfait de leur collaboration. Galvanisés par ce succès, ils se lancent des défis et ils choisissent des morceaux chaque jours plus difficiles et techniques, laissant de côté les morceaux trop simples qui répugnent au violoniste. Un jour, avec l'autorisation du père de la jeune fille, Florentin joue lors d'une soirée chez un voisin qui a appris qu'un violoniste de talent était présent dans la petite ville par le père de Victoire à qui il s'était ouvert de sa difficulté à trouver quelqu'un pour animer la soirée. Le jeune homme avait accepté en soupirant même si la bourse reçu en paiement était plus pleine qu'il ne l'avait escompté. Alors qu'il se prépare pour se coucher, les épaules raides d'avoir joué à contrecœur durant des heures, il se demande si son ennui a été palpable et si les maîtres de maison ou leurs invités se sont rendu compte de quelque chose mais il se souvient surtout avoir été ignoré malgré toutes ses tentatives pour attirer l'attention des convives.

- Tu n'es qu'un meuble joliment orné que l'on loue fort cher. Tu le sais, on ne loue pas tes services pour t'écouter jouer mais seulement pour t'entendre jouer et ainsi meubler les silences. Mais qu'importe puisque c'est le prix à payer pour ta liberté. Tu as toi-même sans t'en être rendu compte, très certainement agi de même étant plus jeune lorsque tu vivais encore chez tes parents. Un jour, tu seras célèbre, on s'arrachera tes services et alors, alors, on t'écoutera jouer sans perdre une seule note.

Le lendemain, il s'éveille tard et il court au rendez-vous avec Victoire qui rit de le voir arriver dans le salon de musique fort essoufflé. Amusée, elle s'enquiert de son retard.

- Mademoiselle, vous m'excuserez mais je suis hier allé jouer pour une soirée afin ma foi, d'alourdir ma bourse un peu plus car nul ne sait de quoi est fait l'avenir. Je suis rentré fort tard et mon réveil fut des plus difficiles.

- Avez-vous pris le temps de manger un peu ?

- Non, je... Mais ne vous tourmentez pas pour cela, je mangerai tout à l'heure.

Victoire secoue la tête d'un air navré et elle lui dit d'une voix sèche de se préparer alors qu'elle quitte la pièce. Florentin soupire d'avoir été ainsi deviné et lorsqu'elle revient un petit plateau d'argent chargé d'une collation à la main, il se sent mal à l'aise mais il tente de masquer son trouble.

- Mangez ! Quelle partition avez-vous choisi ?

Il tend une partition au hasard et il mange rapidement tandis que la jeune fille joue la partition choisie sur le clavecin. Puis il se poste derrière elle, son instrument à la main en essayant de trouver où elle en est rendu. Victoire tourne la tête vers lui et elle lui montre d'un rapide mouvement de doigt sur la partition le passage qu'elle joue et Florentin la suit d'abord avec timidité puis le bras plus ferme. Il ne peut s'empêcher de remarquer le haut du dos dénudé de la jeune femme et de se dire qu'elle est jolie et qu'en d'autres circonstances, il l'aurait volontiers courtisée.

Les jours suivants, Florentin pense beaucoup à la jeune fille et il tente de masquer son trouble. Ils passent de longues heures seuls dans le salon de musique alors pour meubler les silences, le jeune homme l'interroge sur ses goûts et ses occupations. D'abord surprise, la demoiselle se livre à lui et ils se découvrent des intérêts communs notamment leur goût prononcé pour la lecture. Elle lui conseille des livres de la bibliothèque et elle l'interroge souvent sur ses lectures en cours au plus grand plaisir de Florentin qui n'avait trouvé personne à qui parler de ces sujets depuis des mois.

Un jour de juin alors qu'il fait beau, Florentin s'accoude à la fenêtre du salon de musique. Il n'a pas envie de travailler en ce jour chaud et ensoleillé et il espère que la jeune fille ne viendra pas.

- Oh si, tu espères qu'elle vienne... Mais tu n'as pas envie de travailler avec elle. En effet, tu aurais bien envie de lui conter fleurette mais tu sais que tu ne peux pas te le permettre. pense le musicien en commençant à faire les cent pas dans la pièce. C'est le mois de juin, les bals paysans vont reprendre, c'est le moment de fuir la maison autant que possible et cette amourette finira bien par s'éteindre.

Victoire entre en riant et Florentin se dit qu'elle est belle dans sa robe blanche toute bordée de dentelle délicate.

- Bonjour. Vous faites une de ces figures. Quelque chose ne va pas ? s'inquiète-t'elle en se rapprochant.

- Ce n'est rien... Il fait si beau que je n'ai guère envie de travailler aujourd'hui.

- Vous n'avez pas tort... Mon père est sorti, allons au jardin, voulez-vous ? Nous prendrons quelques partitions et nous chanterons, je crois ne jamais vous avoir entendu chanter.

Florentin lève les yeux au ciel à cette idée mais il la suit en soupirant.

- Je suis à peine plus qu'un domestique, on me paie et on ne me met pas dehors parce que l'on me paie, je dois accepter de n'être qu'un meuble que l'on déplace et dont on se débarrasse au gré des envies. songe-t'il, les dents serrées.

Un peu plus tard, les deux jeunes gens échauffent leur voix, assis dans l'herbe côte à côte. Florentin se dit qu'il aurait été plus convenable qu'ils se mettent face à face mais qu'il peut plus facilement se soustraire à l'attrait des yeux verts en amande de la jeune fille. La voix cristalline de Victoire se mêle bientôt à la sienne et il sent son cœur se tordre de douleur.

Le soir venu, il loue un cheval et il se rend dans une charmante bourgade où il trouve bientôt une ferme. Il se mêle aux musiciens et il oublie son trouble au fil des danses. Après un repas servi à la hâte aux musiciens, il songe qu'il est temps de rentrer mais il ne trouve personne pour le ramener à la ville.

- Bien, je n'ai guère le choix, il me faut marcher le plus vite possible.

Il fait beau et il se plaît à marcher sous les étoiles même s'il craint de s'égarer alors que l'aube fait pâlir le ciel. Il sait qu'il va à peu près dans la bonne direction mais qu'une légère déviation peut l'emmener fort loin de sa destination. Il se croit perdu lorsqu'il entend des cloches sonner au loin et qu'il reconnaît la petite ville dans un peu à l'ouest de l'endroit où il croyait la trouver.

- Je ne suis pas perdu finalement ! dit-il tout haut en ôtant son chapeau noir pour s'essuyer le front.

Il est déjà tard lorsqu'il entre dans la maison bourgeoise où tout le monde dort, il sait qu'il n'aura pas le temps de dormir et il monte à pas de loup jusqu'au salon de musique où il reste un long moment à rêvasser.

- Va te coucher, mon vieux, ou tu ne seras bon à rien tout à l'heure...

Avec un soupir, il se lève et il croise Victoire dans le couloir alors qu'elle allait chercher un verre d'eau.

- Vous n'êtes pas couché ? demande la jeune fille.

- J'ai joué dans un bal paysan et je rentre à peine, j'ai dû rentrer à pied mais je dois dire que la promenade a été plaisante alors que l'aube illuminait le ciel.

- Vous n'avez pas trouvé de galante pour vous ramener ?

Le violoniste sourit même s'il croit décerner un sous-entendu mais il ne dit rien.

- Non, je n'ai pas trouvé de galante paysanne à ce bal, j'y allais pour jouer et récolter quelques pièces. Et puiser de l'inspiration, ce genre de lieu est toujours instructif. Bonne nuit, à tout à l'heure.

- A tout à l'heure.

Couché dans son lit, le jeune homme se demande si Victoire s'inquiétait réellement de ses amours ou si elle voulait seulement lui faire la conversation; il se retourne sur le matelas dans l'espoir de trouver le sommeil. Mais il ne peut s'empêcher de penser que ce n'est pas le genre de sujet que l'on aborde avec un domestique.

Hanté par l'inquiétude, Florentin sent qu'il passe un peu trop de temps à observer Victoire du coin de l’œil lorsqu'ils travaillent et il doit bien s'avouer qu'il n'est pas digne lui de se laisser aller à de tels sentiments.

- Tes parents t'auraient dit de l'éviter et de quitter les lieux. se répète-t'il cent fois par jour avant d'ajouter que sa mère lui aurait dit de s'ouvrir à la jeune fille de son cœur avant de partir. Mais comment puis-je savoir que je suis amoureux ? Je la connais à peine, oui, elle est jolie, oui nous avons des goûts en commun mais ce n'est pas suffisant. Et ruiner mon avenir pour une amourette sans lendemain ? Et le sien?

Même si le violoniste trouve du plaisir en compagnie de Victoire, il tente de fuir les élans de son cœur et il s'absente autant qu'il en a le loisir. Par chance, la belle saison est revenue et il court les bals paysans et les soirées bourgeoises pour s'occuper l'esprit. Lorsqu'il est libre de son temps, le jeune homme travaille ses compositions dans sa chambre, il ne se rend au salon de musique que pour ses rendez-vous quotidiens en fin de matinée et en milieu d'après-midi avec la fille de son employeur ainsi que lorsqu'il se sent vraiment obligé de travailler son instrument qui n'a jamais aussi bien joué.

- Tu dois trouver comment maîtriser les élans de ton cœur sinon tu cours à la catastrophe ! ne cesse-t'il de se répéter.

Un matin, il se réveille avec une idée et lorsqu'il rejoint la jeune fille dans le salon de musique, il lui propose de se lancer des défis musicaux chaque jour en plus de jouer ensemble les morceaux choisis par la demoiselle. Florentin espère qu'ainsi il trouvera une échappatoire à ses sentiments. La jeune claveciniste se prend au jeu et durant plusieurs jours, ils tentent d'imiter le bruit de l'eau, du tonnerre ou de jouer le plus rapidement ou le plus lentement possible un morceau choisi ensemble. Mais rapidement, Victoire avoue sa défaite, elle estime que son instrument la limite et la désavantage par rapport au violon de son professeur de musique et elle décide de renoncer à cet exercice même s'il l'a amusée. Lorsque Florentin la voit lever ses yeux brillants de joie sur lui, il songe que son subterfuge a échoué, il a trouvé plaisir à jouer ainsi avec elle et il sait que ce n'est pas le meilleur moyen de s'éloigner d'elle. Mais il se dit que le temps est son meilleur allié et il renonce à son projet.

L'été sonne le retour des fêtes, Victoire est souvent chez ses amies et Florentin la voit peu. Il a le temps de travailler sur ses compositions ce qui lui convient, il s'installe souvent dans le salon de musique avec son instrument pour jouer. Même s'il apprécie cette solitude bienvenue, il ne peut nier que la jeune fille lui manque et qu'il passe la majorité de son temps libre à rêvasser.

- Il est rare que tu rencontres un amateur de musique. Ce n'est qu'une passade, une amourette sans lendemain.

Lorsque son fiancé lui écrit qu'il va bientôt venir lui rendre visite, malgré son inclination pour le jeune violoniste, la jeune fille oublie bientôt l'incident d'autant plus que le jeune homme semble ne pas réellement s'intéresser à elle trop occupé à s’abîmer les yeux sur ses partitions jusqu'à une heure avancée.

Quelques jours plus tard, Florentin se prépare à sortir vêtu de son plus bel habit en chantonnant une berceuse qu'il a jouée dans sa jeunesse. Il se rend à la banque pour déposer ses économies et il en profite pour aller chercher le costume qu'il a commandé. Le costume brodé lui plaît et il sait que l'habit est important s'il veut décrocher plus de contrats bien rémunérés dans les soirées bourgeoises. Puis il rentre pour ranger un peu sa chambre avant de se préparer à sortir de nouveau.

- Vous sortez ? demande Victoire qui allait toquer à sa porte. Je vous attendais et vous n'êtes pas venu.

- Vous m'aviez dit que votre fiancé venait vous voir aujourd'hui et je ne sais pas, j'ai pensé...dit-il en rougissant à l'idée qu'il a mal compris les consignes de la jeune fille.

- Il ne viendra pas, il a du travail. Et j'avais pensé que nous avions le temps de... Mais si vous avez prévu de sortir, je ne vous retiens pas.

- Non, j'étais allé chercher un nouvel habit et je m'apprêtais à aller boire à la taverne pour passer le temps.

Victoire coule un regard vers l'intérieur de la chambre et Florentin la voit examiner le costume.

- Mais si vous avez besoin de moi, je peux parfaitement rester... compléte-t'il pour rompre le silence qui s'nstalle et qui le rend nerveux.

- Non, allez-y, j'imagine que vous êtes attendu si vous vous êtes si bien vêtu.

- Personne ne m'attend. Je... Je crois que votre père est sorti ?

Victoire soupire et elle baisse les yeux sur ses mains.

- Oui, mon fiancé n'étant pas venu, il n'a pas jugé bon de reporter les visites qu'il a prévu. A dire vrai, je m'ennuie et je m'étais dit que si vous ne faisiez rien...

Le jeune homme hésite un moment et il se décide.

- Je pensais me faire un thé et peut-être pouvons-nous le boire à la bibliothèque, nous parlerons musique si vous voulez. Mais je ne voudrais pas qu'on nous trouve seuls, je ne voudrais pas ruiner votre réputation.

- Je prendrai ma broderie et nous deviserons comme deux vieux amis. Mais vous ne regrettez pas de renoncer à vos projets ?

- Non, ne vous inquiétez pas pour cela. Laissez-moi juste me changer, j'essayais de nouveau mon costume pour m'assurer qu'aucune retouche n'est nécessaire.

Les deux jeunes gens parlent un long moment de leurs lectures dans la bibliothèque et ils ne peuvent s'empêcher de se lancer des regards. Florentin hésite plusieurs fois à parler mais il sait qu'il ne peut pas se le permettre. Il n'est qu'un domestique et il ne se pardonnerait jamais de ruiner la réputation de la jeune fille. Au fond de lui-même, il est convaincu qu'il peut devenir riche et célèbre à force de travail. Et qu'il ne doit ruiner ses projets d'avenir pour une jeune fille fiancée avec qui il ne peut envisager un avenir.

- Quand vous mariez-vous ?

- Cet automne, normalement. dit Victoire d'une voix douce.

- Vous ne me parlez jamais de votre fiancé.

Victoire hausse les épaules et ne répond rien.

- Vous l'aimez ?

- Pardon ? demande la jeune fille en relevant la tête.

- Je vous aime mais je n'ai rien à vous offrir, vous le savez. Je n'aurais pas dû me déclarer, n'en parlons plus. dit Florentin rougissant de son audace, il se morigène, il n'aurait pas dû laisser les paroles lui échapper mais il est trop tard. Il observe le visage de la jeune fille qui ne semble pas fâchée, seulement troublée.

- Vous allez nous quitter ?

- Non, je... Je partirai après votre mariage. D'ici là, restons bons amis.

- En d'autres circonstances, les choses auraient pu être différente. conclut Victoire ce qui conforte Florentin dans ses impressions.

- Je... J'ai été impoli, je vais vous laisser, je vous demande pardon... bafouille le violoniste en se levant.

Victoire lui adresse un sourire navré et il sent son regard peser sur lui tandis qu'il quitte les lieux. Une fois réfugié dans sa chambre, il referme sa porte et il y reste adossé un long moment.

- Imbécile, qu'est-ce qui t'a pris d'agir ainsi? Tu es amoureux pour la première fois de ta vie mais ce n'est ni le lieu ni le moment de laisser tes sentiments prendre le dessus et encore moins s'exprimer! Et aucunement la bonne personne. se dit-il en laissant les larmes dévaler ses joues.

Puis, le jeune homme marche un long moment dans le jardin, il regarde les nuages passer et il se demande si les choses ne sont pas mieux ainsi. La jeune fille lui plaît mais il sait qu'il n'est pas un parti convenable et qu'il n'a pas le droit de briser la vie d'une innocente. Puis il rentre et il passe longuement un chiffon sur son instrument pour en enlever les traces de doigt, il nettoie les cordes et les crins de l'archet avant de tout remettre en place, satisfait. Apaisé, il envisage l'avenir avec un peu plus de sérénité.

Le soir venu, malgré sa fatigue, Florentin accepte de sortir avec Jean et Louis, les jeunes gens se rendent dans une foire en cette pluvieuse journée de juin où ils savent que des danses auront lieu. Sous un large chapiteau, la foule se presse dans des rondes endiablées et les jeunes gens se mêlent aux farandoles. Florentin repousse toutes les jeunes femmes qui tentent leur chance et il finit par s'assoir dans un coin de la pièce de toile en réfléchissant à sa conduite.

- Tu estimes ces marchandes, ces ouvrières indignes de toi mais tu n'es plus le fils de bourgeois que tu étais autrefois. Tu vaux à peine plus qu'un domestique en exagérant. Tu ne peux espérer trouver un parti digne de ce que tu pourrais espérer, tu dois t'y faire. Victoire n'est pas pour toi, tu devrais quitter cet emploi malgré ses conditions avantageuses et partir loin de tes nouveaux amis, seul.

Ces pensées lui broient le cœur et il hésite à se montrer raisonnable mais son cœur lui murmure qu'il est à sa place pour la première fois depuis bien longtemps. Il finit par décider que tant qu'il parvient à masquer ses sentiments à la jeune fille et à maintenir une distance professionnelle, il doit en profiter pour mettre de l'argent de côté et travailler tant qu'il le peut. Une fois livré à lui-même, il devrait peut-être se contenter de fêtes de village ou exercer un autre métier pour ne pas souffrir de la faim.

Le lendemain, il arrive en avance pour la leçon du jour et il caresse le clavecin d'un air rêveur. Il reste un moment à contempler les rideaux bleu clair brodés au fil d'argent qui habillent les hautes fenêtres qui apportent de la lumière dans la pièce.Son violon pèse lourd dans sa main et il le pose délicatement sur le guéridon en bois exotique sombre avant de s'asseoir sur une des chaises pour patienter. Il regrette de ne pas avoir pris de livres pour passer le temps tandis que les minutes s'écoulent.

- Pourquoi rester alors que rien ne te retient ici ? Tu te fais du mal, tu le sais. se murmure-t'il.

Mais au fond de lui, il sait qu'il n'a nulle part où aller et qu'ici au moins, il est à l'abri, il a toutes les conditions pour travailler comme il se doit. Malgré son envie, il estime que ce serait une erreur de sa part de partir maintenant.

- Votre cravate est dénouée...

- Pardon ? dit le violoniste en relevant la tête. J'en suis désolé, c'est que je n'aime pas être serré au cou, je me sens oppressé. En réalité, cette sensation me révulse.

La jeune fille hausse les sourcils et le jeune homme s'empourpre.

- Je noue toujours mes cravates fort lâche et le nœud n'a pas tenu. achève-t'il en renouant sa fine cravate de dentelle.

Il replonge le nez dans sa partition pour se donner une contenance et il propose de jouer l'air qu'ils ont travaillé la veille. Il regarde la jeune fille et il sourit en voyant les mèches folles échappées de son ruban. Victoire croise son regard et elle rougit en se détournant.

- Jouerons-nous ?

- Bien sûr, ma demoiselle.

- Et pour notre dernière conversation, je vous prie de l'oublier. dit la claveciniste sans le regarder.

A la fin de la leçon, il hésite. Il décide de sortir se promener pour réfléchir. Il pense à la jeune fille et à son sourire, l'envie lui vient de lui écrire un morceau mais il sait que cette idée n'est pas anodine et qu'il doit rester prudent.

- C'est comme si je prévoyais une issue tragique à toute cette histoire. Si je me laissais aller à mes inclinations, ce serait la fin de ma carrière alors qu'au fond, il n'y aurait pas grand mal à fleureter avec la belle Victoire mais je risque notre réputation si la chose se sait. Et je n'ai rien à lui offrir.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 21 février 2020 à 21h18
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