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tome 1, Chapitre 17 tome 1, Chapitre 17

Florentin voit l'hiver arriver d'ici quelques mois, le temps s'est rafraîchi. Inquiet d'errer de nouveau dans les rues sous la neige, le jeune homme n'est pas certain de survivre un hiver supplémentaire. Il envisage de trouver un autre emploi car il sait lire, écrire et compter, il a de l'éducation et il est convaincu qu'il pourrait monnayer ses services. Durant trois mois, il écume bals bourgeois et fêtes de village, profitant de l'été pour se faire connaître et mettre de l'argent de côté. En septembre, dans une grande ville, le jeune homme se met en quête d'un endroit où loger et où vivre. Installé à la table d'une auberge, il entend dire qu'un notaire cherche une aide pour rédiger ses actes et tenir la boutique en son absence. Malgré sa réticence à exercer cet emploi ingrat, le jeune homme décide de tenter sa chance dans l'espoir de passer l'hiver qui s'annonce rude à l'abri.

Dans l'office sombre et austère du notaire, le jeune homme s'inquiète de sa mise, il a mis son plus beau costume mais il doute que cela suffise, il s'était dit en quittant l'auberge qu'il ferait illusion mais seul dans le hall, il se rappelle qu'il n'a pas de références ou même d'adresse fixe. Après quelques minutes d'attente, le notaire, homme mince et grand au teint cireux le reçoit. Après avoir expliqué ce qu'il sait faire, le musicien ne sait qu'ajouter.

- Si je comprends bien, vous sillonnez les routes en jouant de la musique depuis trois ans et demie ?

- Oui, c'est cela même.

- J'ai souvent affaire avec les gens de votre espèce, dépensiers, vous ne savez pas épargner et l'on finit par vous envoyer des huissiers pour obtenir réparation.

Le jeune homme ne sait que répondre, il sent qu'il a perdu la partie.

- Je sais mais je suis prêt à exercer un emploi normal pour me ranger.

- Je vois. Savez-vous lire, écrire, compter, tenir des livres de comptes ?

- Oui, bien sûr.

- Je ne peux vous prendre comme aide, je crains trop de vous voir ne pas vous présenter un matin mais j'ai besoin de quelqu'un pour remettre de l'ordre dans mes archives, c'est une tâche très urgente que je n'ai guère le temps d'effectuer sans aide efficace et je peine souvent à retrouver des documents. Je ne peux vous offrir de meilleur emploi pour l'instant. Si vous me donnez satisfaction, je vous ferai une lettre de recommandation.

- Bien, j'accepte.

La tête baissée, Florentin négocie son prix journalier et il est pris au dépourvu car le notaire lui demande de commencer immédiatement. Le musicien se met au travail mais les mélodies qui l'habitent l'assaillent. Il tente de les éloigner de sa pensée mais elles se glissent de nouveau dans son esprit, lancinantes telles des mouches que l'on chasse et qui reviennent inlassablement. Agacé après une demi-journée à lutter, il subtilise sur les coups de midi, une plume, de l'encre et des feuilles de papier pour se vider l'esprit. Le repas est bon et copieux, il n'a pas aussi bien mangé depuis longtemps. Le notaire vient inspecter son travail et il se déclare satisfait de son avancée. Le jeune homme estime avoir pour deux semaines de travail et il espère rester aussi longtemps que nécessaire. Une fois son employeur retourné dans son bureau, il s'attelle aux tas de papiers disséminés dans la pièce aux murs couverts d'un tissu sombre aux motifs clairs qui se détachent sur le tissu tendu sur le mur. La pièce mal éclairée par une fenêtre sale est sombre et peu accueillante, le violoniste observe un instant autour de lui, ce cadre triste le met mal à l'aise. Il range inlassablement les papiers poussiéreux et lorsque des notes l'emplissent trop, il s'en vide à grands coups de plume sur une feuille de papier. Bientôt, le musicien s'ennuie à effectuer cette tâche monotone et son rythme s'en trouve ralenti. La tête ailleurs, il fait de plus en plus fréquemment des erreurs qu'il répare aussitôt. Il tente de reporter son attention sur son travail mais il a de plus en plus de difficultés à accomplir sa tâche. Lassé, il manque d'abandonner mais lorsque le notaire vient le trouver pour déjeuner, son ventre affamé lui rappelle pourquoi il s'abaisse à un tel emploi. Les jours passent et il s'ennuie même si sa bourse pèse chaque jour un peu plus lourd et que la cuisinière du notaire lui permet de faire bonne chère sans rien dépenser. Au dixième jour de travail, un air l'assaille mais il hésite à le retranscrire car il est long et complexe. L'air tourne en boucle dans sa tête et il tente de s'en libérer en le chantonnant. Il voit ses mains danser sur un violon invisible et bientôt, il se laisse emporter par la musique. Il ne parvient plus à se concentrer sur son travail et il se résigne à transcrire rapidement sur un papier sa dernière invention. Le notaire le surprend dans cette posture et il le chasse après lui avoir payé son dû. Florentin s'excuse mais le notaire ne veut rien entendre, il lui ordonne de quitter les lieux et le jeune artiste se retrouve de nouveau démuni avec de quoi s'offrir un logis pour quelques jours. Pour économiser son maigre pécule, le jeune homme choisit une auberge à bas prix propre mais à la nourriture à peine convenable. Il se replonge dans le travail. Il y reste quelques jours et des habitués qui viennent boire après le travail l'ont repéré. On le laisse tranquille car le jeune homme qui chantonne doucement et compose dans le fond de la salle fait tache dans le décor. Sa présence amuse les hommes qui viennent boire après leur journée de la labeur et dans son dos, on échafaude des théories. Est-ce un noble qui fuit sa famille pour tenter de vivre de la musique qui reviendra bien vite suivre la voie toute tracée par ses parents ? Ou un célèbre compositeur étranger qui recherche l'anonymat pour écrire une musique qui le rendra encore plus célèbre ?

Un soir qu'il est descendu dans la grande salle pour ne pas se retrouver seul, un homme l'accoste. Florentin qui aurait préféré rester seul lui jette un rapide regard ennuyé avant de se replonger dans sa rêverie.

- Vous êtes compositeur ou musicien ?

- Les deux. se contente de répondre le jeune homme avant de se tourner vers la fenêtre, dans l'espoir de retomber rapidement dans ses vagabondages oniriques.

- Un de mes amis cherche un professeur de musique pour ses enfants. Ils ont une dizaine d'année et ils jouent du clavecin depuis longtemps. Ils ont surtout besoin de quelqu'un qui les guidera dans leur apprentissage et saura choisir les bonnes partitions pour progresser.

Intéressé, Florentin se tourne vers l'homme qui lui semble sympathique.

- Je peux compter sur vous ? demande son interlocuteur en l'examinant avec attention.

- Bien sûr, je serais ravi de m'entretenir avec votre ami.

- Demain en fin de journée ?

- Ce sera parfait.

L'homme lui donne l'adresse de son ami avant de le lui noter sur un morceau de papier se souvenant que le musicien sait lire. Puis il le salue en lui disant qu'il est tard et qu'il doit rentrer chez lui.

Soulagé, Florentin remonte dans sa chambre pour dormir et être reposé pour son rendez-vous à venir. Mais à minuit, il se réveille, une musique s'est glissée dans ses rêves et il passe de longues heures à tenter de la retranscrire exactement comme il l'a rêvée. Lorsqu'il y a parvient, l'aube laiteuse illumine le ciel et il se dépêche de se glisser dans son lit, exténué mais heureux. A midi, lorsqu'il se lève, le musicien après un rapide déjeuner et une rapide toilette se rend en ville pour trouver une place où jouer, il est tard lorsqu'il se souvient de son rendez-vous, la nuit est tombée et il s'en veut de sa distraction. Le lendemain en fin de matinée, il se rend dans la demeure qu'on lui a indiqué pour s'excuser avec le secret espoir que la place soit toujours libre. Mais l'homme lui répond aimablement qu'il ne peut pas lui faire confiance et que pour cette raison, il ne l'embauchera pas. Le jeune musicien rejoint lentement l'auberge, le dos courbé, il est triste d'avoir été si négligeant, il s'en veut d'avoir une fois de plus manqué la chance qui se présentait à lui.

Le mois de juillet commence et si les passants se montrent plus volontiers généreux sur les places où il joue, Florentin ne rêve que d'une chose, quitter la ville et rejoindre les chemins bordés d'herbe et les bals de village. Il veut retrouver cette liberté qu'il a connue par le passé et voir les danseurs s'amuser sur ses airs. Un matin, il quitte précipitamment l'auberge et après une heure de marche, il s'arrête au milieu du chemin, interdit. Il vient de se souvenir qu'il a oublié sa bourse sur la petite table où il l'avait posée pour en compter le contenu la veille au soir. Il court un peu inquiet jusqu'à l'auberge où l'aubergiste le lui rend avec un sourire. Heureux de sa chance, il reprend sa route, errant sans but. Il marche droit devant lui sans savoir où il va mais il se rassure, il finira par aboutir à un village où il trouvera sans nulle doute l'hospitalité.

Dans une petite ville, il joue sur la grande place et sa bourse se remplit un peu. Il fait ce qu'il aime et il oublie tout ce qui l'entoure. Sa musique l'enveloppe comme un cocon protecteur, c'est avec surprise qu'il remarque en rangeant son instrument qu'il est entouré de pièces généreusement offertes par la foule qui se disperse. Florentin remercie et il ramasse longuement son gain du jour. Lorsqu'il compte les pièces poussiéreuses, il se rend compte qu'il a récolté une belle somme. Il trouve une auberge correcte où il s'installe avec délices dès la fin de l'après-midi. Il profite de la pièce relativement grande qui lui est dévolue et il passe la journée à lire et dessiner allongé sur son lit. Cette journée d'oisiveté lui fait du bien et il reste une nuit supplémentaire avant de repartir.

Le musicien joue encore dans de petites villes avant de décider de tenter sa chance à la campagne. Il a envie de faire danser ses spectateurs et de les voir rire sur sa musique. Il va de village en village durant des semaines, faisant danser dans les bals et trouvant toujours un bon repas et une grange où dormir. Il n'arrive plus à composer et il n'est pas rare que Florentin détruise les feuillets où il a retranscrit quelques airs qu'il a jugé dignes d'être gardés. Les bals se succèdent dans les bourgades qu'il traverse et il regrette de ne jamais profiter de la fête. Il s'imagine aux côtés de ses amis à boire de la bière avant de danser jusqu'au bout de la nuit. Il permet aux autres de s'amuser mais personne ne se préoccupe de lui.

Le mois d'août commence sous de bons auspices, le jeune homme connaît un joli succès en allant de village en village et les habitants se montrent relativement généreux avec lui. Les moissons ont été bonnes et les paysans ont gagné suffisamment d'écus sonnants et trébuchants pour rétribuer le musicien. De nouveau, le jeune homme court les bals, un peu triste de ne pouvoir en profiter. Aussi lorsqu'un soir, la jeune fille de la maison dans laquelle il loge le croise alors qu'il allait se coucher et lui propose une danse, il accepte avec un sourire. Ils dansent, seuls dans la grande salle, pendant de longues minutes dans le silence de la maison endormie. Le jeune homme remercie sa cavalière avant de se décider à aller dormir, il hésite et il dépose un baiser sur ses lèvres avant de monter se coucher. Sa solitude lui est plus difficile à supporter après le repas du soir qui fut animé et joyeux. Lorsqu'il repart le lendemain matin, le jeune homme ne croise pas la paysanne et c'est sans un au revoir qu'il quitte la maison vide, tout le monde étant déjà parti travailler aux champs.

xXxXx

A quelques jours de l'automne, Florentin garde les yeux rivés sur la fenêtre à la recherche d'inspiration. Assis à la petite table, il entend le vent souffler au-dehors, le froid s'installe peu à peu et le musicien s'inquiète de plus en plus de la manière dont il va passer l'hiver. Il doit trouver une place s'il ne veut pas mendier. On frappe à la porte et il sursaute en maculant d'encre son papier. Avec un soupir, il va ouvrir la porte ; l'aubergiste se tient devant lui qui lui rappelle qu'il lui doit déjà deux nuits. Florentin va chercher sa bourse mais une fois payé son dû, il n'a pas les moyens de rester plus longtemps. L'aubergiste voit la bourse vide et il lui ordonne de partir en s'excusant de sa conduite, il ne veut pas de mauvais payeur dans son établissement. Le violoniste tente de lui faire entendre raison sans succès. Il est tard dans l'après-midi lorsque Florentin se retrouve dehors dans le vent froid, son sac à la main. Il pourrait chercher une place où jouer mais les rares passants se pressent de rentrer se mettre au chaud. Le musicien se sent ignoré et délaissé et il décide de se réfugier dans l'auberge, à l'abri des regards. Mais il se souvient qu'il est pauvre. Le temps est plus doux une fois protéger par les murs d'une ruelle et il décide de marcher pour ne pas penser avec le secret espoir de trouver un lieu où dormir. Il se perd dans les petites rues de la ville dans la douceur estival, distrait, le musicien se perd bientôt dans un dédale de ruelles étroites, il n'a pas songé à retenir le chemin parcouru. Perdu, il commence à s'inquiéter avant de songer qu'il errait sans but précis, il hausse les épaules et il remarque une niche dans une ruelle sombre qui a dû abriter une statuette. Il s'y glisse pour se protéger du froid de la nuit, enveloppé dans sa cape. Puis il s'endort dans cette inconfortable posture.

De nouveau, le jeune homme cherche une place de professeur quand il traverse des villes d'importance. Le mois de septembre arrive à sa fin et le froid s'installe tandis que la saison des bals se termine. Florentin ne trouve pas l'emploi tant espéré malgré ses nombreuses tentatives de frapper aux portes dans les quartiers bourgeois et il commence à désespérer, de nouveau sa bourse est vide et sa longue errance commence à l'épuiser. Durant deux mois, il joue sur les places, transi de froid, gagnant à peine de quoi vivre. Un soir dans une taverne où il s'est réfugié pour se protéger du froid, il boit plus que de raison pour tromper la solitude. Par mégarde alors qu'il allait remonter dans sa chambre, il bouscule un homme qui jouait aux cartes, assis derrière lui. L'homme à la mine patibulaire et mal rasée se lève et il tente de frapper le musicien qui se protège d'instinct en plaçant ses bras devant son visage. Il craint que ses mains ne s'abîment et qu'il ne puisse plus jouer sur son instrument. Les coups pleuvent sur ses avant-bras malgré ses excuses et la douleur commence à irradier le long de ses membres. D'autres hommes se joignent au premier ou l'encouragent. Il est bientôt sauvé par la maréchaussée qui faisait une ronde et a entendu les cris, la troupe l'embarque avec les autres. Condamnés à passer trois jours en cellule pour ivrognerie et bagarre, ils sont emmenés dans de sombres cellules humides. Florentin retient ses pleurs face à ses agresseurs mais lorsqu'il se retrouve seul dans la minuscule cellule venteuse, il laisse les larmes expier sa douleur. Il a honte de ce qu'il est devenu, il imagine le sermon que lui aurait fait son père s'il était encore de ce monde et les douces remontrances de sa mère. Triste de ne pas pouvoir jouer, son instrument lui ayant été confisqué, il se sent de plus en plus mal au fil des jours. Lorsqu'il est enfin relâché au bout de trois jours, il doit encore s'acquitter d'une amende et des frais de nourriture et d'entretien. La bourse vide, il retrouve la rue et il ne sait pas où aller. Il ne sait qu'une chose, il veut quitter la ville, ce qu'il s'empresse de faire.

Le jeune homme trouve peu après un emploi de professeur de musique dans une famille bourgeoise de la ville voisine. Il a discuté avec un des gardiens qui l'avait entendu composer en chantonnant et frappant dans ses mains dans la solitude de sa cellule qui lui avait donné l'information. Florentin s'ennuie à tenter de faire chanter juste la petite fille dont il a la charge. La nourriture est mauvaise et il loge dans une soupente mal isolée ; fatigué, il travaille jusque tard dans la nuit. Il n'a plus le goût de jouer mais il ne renonce pas et chaque jour, il se force à s'entraîner. Au bout de deux mois, le jeune homme plie bagage, il ne supporte plus l'ennui de sa fonction, la paie insuffisante, la mauvaise nourriture et les domestiques hautains et froids qui semblent mal considérer ses origines bourgeoises. L'amour de la musique l'a aidé à tenir debout, son cœur brûle plus que jamais pour son art mais ses conditions de vie entravent son inspiration. Il est presque heureux de se retrouver de nouveau à jouer dans le froid après avoir trouvé une carriole qui l'a emmené dans une ville inconnue.

Affamé, il erre dans la ville tout le jour, transi de froid et le cœur lourd de tristesse et de voir ses rêves de gloire déçus. Il joue sur les places en cette froide journée de la mi-novembre mais les rares pièces qu'on daigne lui donner le sont plus par pitié que pour sa musique. Il achète un pain et il cherche un abri dans la nuit tombante qui s'annonce glaciale.Après une longue errance, Florentin trouve refuge dans une église, faute de mieux dans ce petit village qui n'a pas d'hospice où il pourrait dormir. Gelé, il frissonne toute la nuit sur son banc et au matin, il doit se rendre à l'évidence, il est malade. Ne sachant comment gagner sa vie, Florentin trouve une taverne et malgré les frissons il joue du mieux qu'il peut. Déjà affaibli, il se rend rapidement compte que personne ne l'écoute et il remballe ses affaires, le dos courbé par la tristesse. L'aubergiste, le voyant si triste, lui met la main sur l'épaule et il lui annonce qu'il lui offre un repas en remerciement de sa musique. Le gros homme chauve ne lui dit pas qu'il allait jeter cette nourriture, reste de la veille qu'il n'allait pas resservir à ses clients et que peu lui importe qu'il la mange. Les larmes aux yeux, le violoniste s'installe près du feu où il dévore la soupe de haricots blancs aux saucisses qu'on lui sert avec un verre de vin. Il reste longtemps au coin du feu, trop faible pour retourner dans le froid. Il tente de nouveau de jouer mais de même, personne ne l'écoute. Perdu dans sa musique et ses rêves, il oublie bientôt qu'il est le seul à apprécier son œuvre. Il quitte rapidement les lieux pour rejoindre le froid hivernal. Dans la rue où il marche, il entend une voix douce l'appeler, il se retourne et il se retrouve face à une jeune fille qui semble fort intéressée par sa personne. Elle est à son goût mais il n'a pas la tête à conter fleurette aux demoiselles, il fait mine de l'ignorer mais elle le suit jusqu'à ce qu'il se montre ferme avec elle. Il s'en veut, la petite marchande de fleurs séchées semblait gentille et douce, elle ne méritait pas tant de rudesse. Tout comme lui, elle n'aspirait qu'à trouver un peu de chaleur humaine.

En quittant l'auberge, Florentin remarque une bourse abandonnée par terre. Après avoir vérifié que la rue est vide et qu'aucune indication quant à son propriétaire ne se trouve sur l'objet, il décide de la garder, faute de pouvoir la rendre à celui qui l'a perdue. Il s'installe dans une minuscule auberge décrépie où le gîte ne lui coûte pas grand chose. Au chaud après avoir mangé une mauvaise nourriture qui a le mérite d'être chaude et nourrissante, il s'endort.

Cette nuit-là, jour de la sainte Cécile, il rêve qu'il marche sur un chemin en plein été. La sainte lui apparaît et elle lui dit de se séparer de son violon. Au réveil, Florentin a un vague souvenir de son rêve mais il ne s'y attarde pas, il doit refaire ses bagages et il ne voit pas comment il pourrait se séparer de son unique gagne-pain d'autant plus qu'il lui a coûté cher. La musique a depuis l'enfance une place de choix dans sa vie et il ne voit pas comment il pourrait se séparer de son instrument même s'il sait que les gens de sa profession sont mal considérés et excommuniés. De nature mélancolique, la musique a toujours été son refuge et son point d'ancrage, le garant de son équilibre, il ne peut pas y renoncer d'autant plus qu'il est désormais seul au monde.

Le Diable se penche sur le destin de son instrument. Calé dans son fauteuil, il songe que les hommes sont souvent si prévisibles et décourageants que cela n'en est même pas drôle. Il sait que si Florentin se montrait raisonnable durant quelques temps, il finirait par réaliser son rêve le plus fou mais le jeune homme n'en fait qu'à sa tête malgré sa bonne volonté. Il joue ce qu'il aime au lieu d'aimer ceux pour qui il joue et leur donner ce qu'ils attendent de lui. Libre, il le paie chaque jour et le temps qui passe ne semble pas lui apprendre la leçon.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 16 octobre 2018 à 17h51
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