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tome 1, Chapitre 12 tome 1, Chapitre 12

Florentin reprend sa route à l'aube et le jeune homme s'accorde de longues haltes durant lesquelles il couche sur le papier les airs qui tourbillonnent dans ses pensées agitées puis il répète un long moment ses créations avant de reprendre sa route une fois satisfait de son travail. De village en village, il teste ses créations, plein d'espoir mais le public lui réclame les ritournelles populaires qu'il joue à contrecœur depuis des mois pour gagner sa vie. Le musicien envisage de créer des ritournelles pour faire danser les badauds mais ses arrangements ne convainquent guère le public qui réclame des danses plus traditionnelles sous les huées et les sifflets. La mort dans l'âme, Florentin se résigne à leur obéir pour récolter les quelques piécettes qui lui paieront le gîte et le couvert. Dans les tavernes où il joue le soir, on lui fait souvent la réflexion que son instrument sonne étrangement et il se pose la question d'acquérir un instrument plus classique mais il n'a pas les moyens de se l'offrir, il doute de trouver acquéreur à son étrange instrument à un prix lui permettant de racheter un violon de qualité. Et au fond, il s'est attaché à son compagnon d’ébène dont il n'envisage pas de se séparer.

Seul, le soir venu, Florentin joue mélancoliquement les partitions qu'il a achetées il y a bien longtemps pour son bon plaisir. Durant des heures, il répète et il laisse la musique l'envahir jusque tard dans la nuit malgré le chiffon qui étouffe le son des cordes pour ne pas déranger ses voisins dans l'auberge où il loge. Les vibrations de l'instrument contre lui l'apaisent peu à peu et une nuit où il se sent plus seul que jamais, le violoniste s'endort son instrument serré contre son cœur.

Dans les fermes qu'il croise sur sa route, le musicien agrémente les soirées qui se rafraîchissent mais on ne lui accorde souvent qu'un toit pour la nuit et le couvert. Les fermiers lui donnent toujours quelques provisions pour la route avec gentillesse ainsi que quelques pièces lorsqu'ils le peuvent mais le violoniste passe beaucoup de temps sur les routes et sa maigre bourse ne lui permet pas toujours de prendre un transport. Il croise moins de carrioles dans lesquelles il trouve place par les routes de campagne qu'il emprunte. Le temps s'est rafraîchi et le mois d'octobre arrive sans que Florentin s'y soit préparé. Il commence à s’inquiéter de voir le temps passer et d'un nouvel hiver à vagabonder sans abri et dans la solitude, il se demande s'il y survivra une fois de plus. Le musicien se rassure en se disant que jusqu'ici il a toujours réussi à se nourrir et se loger, le temps est encore doux pour la saison malgré la baisse sensible des températures, il a le temps de rejoindre une grande ville pour trouver une place. Florentin décide de s'accorder quinze jours de liberté avant de songer à se mettre en quête d'un emploi rémunéré dans une ville d'importance. Il passe les deux semaines suivantes à aller de ferme en ferme pour jouer en échange d'un repas et d'un lieu où dormir. Généralement bien accueilli, il savoure cette liberté malgré le froid qui se fait parfois sentir dans les granges où il dort, enfoui dans la paille.

Le premier novembre arrivant, le musicien se fait violence pour mettre un terme à son vagabondage conformément à sa décision. Il se renseigne auprès des fermiers chez qui il a dormi et il prend la route d'une ville de taille modeste où il espère trouver un emploi. Il fait le tour des maisons les plus cossues des beaux quartiers durant plusieurs jours ; il consacre la matinée à faire du porte-à-porte en proposant ses services puis il se donne l'après-midi pour jouer sur une place suffisamment grande pour voir passer du monde. Il gagne à peine de quoi se loger et se nourrir mais il ne se décourage pas. Bientôt, il a fait le tour de la ville et il sait qu'il doit tenter sa chance ailleurs s'il veut espérer ne pas passer l'hiver dehors. Las et découragé, le jeune homme trouve une carriole qui l'emmène dans une ville proche où il recommence à proposer ses services dans les quartiers bourgeois avant d'aller jouer le soir venu dans les tavernes des bas quartiers en espérant ne pas croiser de futurs potentiels employeurs. La mauvaise nourriture et les mauvaises auberges où ils logent le fatiguent mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur.

Au fil des jours, le jeune violoniste se rend à l'évidence, le succès n'est pas au rendez-vous dans les petites villes et les villages qu'il traverse depuis des années. Il s'interroge sur la possibilité de rejoindre une grande ville pour espérer trouver enfin la renommée. Il pleure longuement chaque soir et il s'endort parce que la fatigue est trop importante. Durant plusieurs jours, le musicien reprend ses partitions et il va de ville en ville jouer ses créations sans rencontrer le succès tant attendu. Il tente à plusieurs reprises de proposer ses services aux notables après avoir interrogé son public sur des employeurs potentiels afin de ne plus perdre de temps à frapper aux portes au hasard mais on lui claque la porte au nez. L'automne est bien installé désormais, le froid est vif en cette mi-novembre et il craint de devoir de nouveau dormir dehors. Il voit avec effroi l'hiver arriver qui promet d'être rigoureux. Bien sûr, il pourrait jouer ce que le public attend de lui, des airs populaires, simples et répétitifs, faciles à retenir et exécuter mais il sait qu'il le fera sans entrain et sans enthousiasme. A quoi bon jouer pour jouer, sans passion, sans envie, sans émotion à transmettre, sans histoire à raconter? Ce n'est pas sa conception de la musique qu'il voit comme un moyen de sublimer l'art et de toucher les cœurs.

Le souvenir de Victoire revient de nouveau le hanter et il se plonge dans son art avec l'espoir de parvenir à l'oublier ou du moins, à ne plus y penser. Le regret de ne pas lui avoir demandé de la suivre le hante mais sa raison lui dicte qu'il ne pouvait détruire la vie de la femme de son cœur. Il imagine les duos qu'ils auraient pu jouer et les airs qu'il aurait pu composer pour elle, les discussions qu'ils auraient pu avoir. Parfois lorsque sa solitude est trop grande, il s'imagine lui parler de longues heures durant. Ces moments douloureux affectent sa musique, elle change, elle devient plus sombre, plus mélancolique, plus profonde et le timbre sourd du violon d'ébène s'adapte parfaitement à cette musique douloureuse. Florentin travaille de longues heures durant sa musique et les airs qu'il crée durant cette période difficile reflètent les tourments de son âme, ses regrets, sa solitude et sa souffrance. Bientôt, la douleur se fait sentir, son poignet ne répond plus comme il le voudrait mais il l'ignore, il tient son archet de manière figée pour économiser ses mouvements mais il s'acharne, il a besoin de sa musique pour retrouver la paix. Mais le musicien commence à souffrir du coude et il se résigne à cesser de jouer durant quelques temps pour soulager son bras. Mais dès le lendemain, il oublie ses résolutions et il joue en économisant ses gestes autant qu'il le peut pour ne pas aggraver la situation. Il doit manger et il ne peut se permettre de cesser de travailler. De plus, lui demander de cesser de jouer de la musique est aussi inconcevable que de lui demander d'arrêter de respirer ou de manger. La musique est vitale à son équilibre, Florentin deviendrait fou ou il perdrait goût à la vie si on l'empêchait d'exprimer ses émotions et ses rêves en musique, il le sait et son cœur balance entre la raison et les sentiments.

Les premiers jours de décembre, le jeune homme commence à perdre espoir. Transi de froid, il joue sur les places et il dort dans de mauvaises auberges mal chauffées ; l'idée de tomber de nouveau malade le hante en permanence car il n'a pas les moyens de garder sa chambre plus de quelques jours. Il est bien conscient qu'il gagne à peine sa vie et il n'a personne sur qui compter en cas de difficulté, sa solitude lui pèse. L'approche de noël semble inciter son public à une plus grande générosité et il met précieusement de côté ce qu'il peut pour finir l'année sans trop de crainte. Sa vie passée ne l'a pas préparé à connaître la solitude et la pauvreté et il commence à ne plus pouvoir les supporter. Mais il sait qu'il n'a pas le choix et qu'il doit continuer jour après jour.

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Alors qu'il joue sur une place perdu dans ses pensées et qu'il a oublié son public comme de coutume, un homme s'approche de lui Intrigué, le violoniste note que l'homme semble l'attendre et il se dépêche de terminer son morceau puis de récupérer son chapeau garni de quelques pièces.

- Bonjour, je recherche un musicien.

- Quel genre de musicien ? interroge Florentin en rangeant son instrument.

- Je me demandais si vous maîtriseriez, par hasard, un autre instrument.

- A mon grand regret, je ne maîtrise que le violon mais je peux peut-être vous aider ?

Florentin examine l'homme bien mis qui le regarde et il craint de voir sa chance s'envoler.

- Je recherche un musicien pour ma boutique de jouets, la grande sur la place derrière l'église.Je vends quelques instruments pour initier les enfants à l'art de la musique et je m'étais dit que je pourrais attirer le chaland. Mais le violon ne me semble guère approprié, je ne vends pas cet instrument mais des flûtes, des tambours, ce genre de choses.

Déçu de voir sa chance lui échapper, le jeune homme soupire.

- Certes mais ces instruments plus accessibles peuvent être une introduction à des instruments plus délicats. Le goût de la musique et de l'art n'est-il pas primordial ? Le désir est le moteur de nos vies. Enfin, ça n'a guère d'importance. Je vous souhaite bonne chance dans vos recherches.

Le musicien s'éloigne d'un pas pressé, déçu de voir sa chance lui échapper ; il avait escompté gagner de quoi survivre quelques temps avant de reprendre sa route.

- Attendez ! Monsieur !

Un sourire aux lèvres, le violoniste se retourne et il accompagne l'homme dans une taverne où ils parlent affaires devant de la bière et du vin. Le contrat lui semble alléchant, il devra jouer deux heures le matin et deux heures l'après-midi jusqu'à noël. La paie ne sera pas élevée mais si l'emploi l'intéresse, il est prêt à l'engager. Florentin l'interroge sur les instruments qu'il veut le voir jouer et les airs qui l'intéressent. Le propriétaire du magasin de jouets lui répond qu'il s'agit d'instruments simples en bois comme des flûtes, des tambourins ou des percussions.

Le jeune homme accepte, il estime pouvoir s'en sortir rapidement sur ces instruments de musique qui ne lui semblent guère difficiles à première vue. Il emprunte une flûte au magasin et une méthode qu'il étudie le soir venu dans une auberge où il a trouvé à se loger. Il se fait rapidement à l'instrument à vent après quelques heures de travail acharné, le fonctionnement en est plutôt simple bien que différent de celui de son violon. Il se promet d'arriver avant l'ouverture en même temps que les employés pour avoir le temps de s'entraîner sur l'instrument et il sélectionne quelques airs simples qu'il pourra jouer de mémoire. Il estime que s'il se trompe, les enfants ne verront guère la différence s'il joue avec assurance et décontraction, il pourra toujours plaider l'interprétation personnelle. Rassuré, il s'endort, soulagé d'avoir trouvé un emploi pour finir l'année.

Durant trois semaines, le jeune homme se rend au magasin de jouets dès le matin. Dans la réserve, il s'entraîne à jouer de sa flûte en attendant l'ouverture du magasin alors que les employés préparent la journée à venir et regarnissent les rayonnages. Le musicien a rapidement compris le fonctionnement de l'instrument et il joue des mélodies malhabiles, rougissant de honte d'oser tirer de tels sons d'un instrument quel qu'il soit. Parfois, Florentin utilise d'autres instruments de musique tels que des hochets ou des tambours mais il se lasse rapidement, faute de pouvoir s'essayer à des mélodies élaborées. Les enfants, ravis, s'arrêtent pour l'écouter et leurs parents ne semblent pas s'offusquer de son mauvais jeu ; on lui sourit et on l'applaudit souvent, Florentin ne se sent pas à sa place mais il fait bonne figure, il a besoin de cet emploi et de l'argent qu'on lui donnera. Et les yeux brillants, les sourires et les applaudissements des enfants rachètent toutes ses peines. Au fil des jours, le jeune homme prend confiance en lui et il se contente de jouer des airs simples du mieux qu'il peut. Il s'ennuie, préférant de loin jouer sur son violon mais il est payé pour jouer de la flûte et il fait ce qu'on lui demande. Malgré l'ennui, malgré son sentiment de ridicule, malgré la peur de décevoir. Payé à la semaine, il économise autant qu'il peut sur son maigre salaire et il parvient à épargner un peu. Quelques jours avant noël, Florentin propose à son employeur de jouer du violon pour le jour de noël. Le patron réfléchit, il sait qu'il aura peu de clients mais le magasin doit rester ouvert pour les derniers clients ou les oublis de dernière minute. D'ordinaire, c'est une journée calme et il espère ainsi se faire de la publicité et il sait bien que l'image de sa boutique est importante. Le patron accepte que son jeune employé fasse un petit concert dans le magasin, un le matin et un autre en tout début d'après-midi. Si les recettes sont au rendez-vous, il recevra sa part des gains du jour et dans le cas contraire, il n'aura qu'une maigre rétribution. Le violoniste accepte ; au moins, il sera au chaud le jour de noël et il aura un public pour l'entendre jouer. Avec de la chance, il trouvera peut-être quelqu'un qui sera en mesure de lui indiquer un emploi pour la nouvelle année. La journée de noël passe, monotone, quelques clients viennent faire leurs derniers achats et beaucoup de passants s'arrêtent pour écouter le musicien qui joue dans le magasin. La porte restée ouverte laisse sa musique envahir la rue et Florentin est heureux, il fait ce qu'il aime le plus au monde : jouer de la musique. Souriant, il se laisse aller et il oublie bientôt son public. Le soir venu, il reçoit une bourse convenablement remplie. Il pourra se loger et se nourrir quelques jours.Mais les yeux brillants des enfants levés vers lui restent sa plus belle récompense de la journée.

Le lendemain, dans une église, il se présente pour proposer ses services pour la messe de noël. Le prêtre à qui il fait sa demande accepte chaleureusement son offre et c'est en sautillant de joie que le musicien descend les marches. Deux heures plus tard, il se présente à l'église dans son plus bel habit bien avant le début de la messe. Il prend le temps de faire des essais dans le lieu saint dont il veut tester l'acoustique mais son violon reste muet. Il met ce désagrément sur le compte de sa distraction, il a certainement oublié la colophane et il en frotte généreusement les crins de l'archet. Le violon se décide à jouer de mauvaise grâce et après avoir testé l'acoustique du lieu, Florentin va se promener pour passer le temps sans oublier de saluer le prêtre qui prépare l'office du soir. Le jeune musicien se mêle à la foule qui se rend dans les maisons pour fêter noël en famille et il sourit de cette ambiance bon enfant et légère. Il marche au hasard et peu à peu, les rues se vident. Le violoniste ne sait où aller et il se remémore les noëls en famille dans la maison de ses parents, les joyeuses assemblées au coin du feu. Une larme coule sur sa joue bientôt suivie de plusieurs autres ; le musicien s'arrête au milieu de la rue pavée. Il s'assied à l'angle d'un mur pour se protéger du vent léger et il reste là, à penser à son passé et à son avenir. Des cloches le tirent de sa rêverie et il se souvient d'un coup de la messe. Perdu dans la ville inconnue, il tend l'oreille pour trouver l'édifice. Lorsqu'il parvient enfin au bâtiment qu'il cherche, il voit le prêtre fermer la porte à clé.

- Je vous demande pardon, je..., j'ai oublié ma promesse.

- Ce n'est rien, ce n'est rien. Votre intention était généreuse et c'est le plus important, n'est-ce pas ? Joyeux noël, mon fils.

- Merci, je suis désolé. murmure le jeune homme qui maudit sa distraction habituelle qui lui fait oublier régulièrement ses rendez-vous et ses affaires.

Il soupire et il lève les yeux vers l'église, il s'interroge sur son destin avant de se décider à reprendre sa route. C'est la nuit de noël, il fait froid, la neige commence à tomber et il n'a nulle part où aller. Las, il s'assied sur les marches de l'église, ému. Les larmes coulent sur ses joues, il est fatigué d'errer sans jamais trouver l'espoir d'une amélioration durable de sa condition. Il ne sait pas prier, il n'est guère croyant, bien qu'il respecte les coutumes mais en cette nuit chargée de magie et d'une atmosphère particulière, il demande dans un murmure un signe à la divinité qui ne répond pas. Il sourit de sa stupidité, comment Dieu pourrait-il répondre car il ne croit pas en lui ? Il songe à ses parents qui l'ont quitté et il a une pensée emplie d'amour pour leur souvenir qu'il évite d'évoquer d'ordinaire. Puis, il reprend sa route, il doit rejoindre l'auberge où il s'est réfugié ces derniers jours. D'un geste las, il passe ses doigts dans ses cheveux mi-longs qu'il a dénoués, contrairement à son habituel catogan maintenu par un ruban de velours noir. En cette nuit magique, Florentin se sent plus mal qu'à l'accoutumée, seul et abandonné ; il cherche un lieu où il pourra jouer un peu pour oublier sa tristesse. Il s'accoude au parapet d'un pont et il sort son instrument malgré la neige qui commence à tomber en légers flocons, il a besoin de jouer pour chasser ses noires pensées. Accroupi et tourné vers le mur pour protéger autant que possible, le lourd violon d'ébène, il commence à jouer un air de noël populaire qui s'apparente plus à une plainte déchirante qu'à une mélodie. Bercé par les notes, les yeux fermés, il ne prend pas garde aux bruits derrière lui. Lorsqu'il se relève, les yeux rougis de larmes qui ont coulé jusqu'à son menton, il se trouve face à un vagabond de son âge vêtu de haillons trop légers pour le froid qui règne. Florentin lui sourit, il regrette de n'avoir rien à lui donner. L'homme le remercie pour sa musique et le voyant trembler de froid, il lui propose de venir se réchauffer à son maigre feu. Le musicien hésite un moment mais l'homme ne semble guère dangereux et il le suit. Sous le pont, au bord d'une rivière figée dans la glace, le vagabond a allumé un maigre feu. Blottis l'un près de l'autre, les deux hommes mettent leurs provisions en commun en se souhaitant un joyeux noël. Durant la soirée, serrés l'un contre l'autre sous des couvertures, ils se racontent leur vie avant de philosopher sur la vie. Ils se séparent lorsque le clocher sonne minuit en se souhaitant un joyeux noël. Au fond, Florentin n'est pas mécontent de la tournure des événements ; malgré le froid, il estime avoir passé une charmante soirée et avoir apporté un peu de joie à cet homme marqué par la vie lui fait chaud au cœur. Les deux hommes se séparent peu après minuit sur des vœux de bonne fortune. Le cœur lourd, le musicien reprend sa route, chassant les souvenirs des noëls passés, heureux, entouré de sa famille autour d'un repas soigné dans une ambiance chaleureuse. A l'auberge, les quelques personnes qui passent le réveillon loin de leur famille, en solitaire se sont attablées ensemble. L'ambiance est chaleureuse, le repas meilleur que ce que Florentin avait espéré et il retrouve un peu d'espoir après avoir passé la soirée en bonne compagnie à boire du mauvais vin et à jouer à des jeux variés tout en se racontant des anecdotes cocasses.

Durant la dernière semaine de l'année mille sept-cent cinquante deux, Florentin se questionne. Il aura vingt-sept ans dans un peu plus de deux semaines et il erre sur les routes depuis deux ans. Cette vie lui plaît car il est libre de mener sa vie à sa guise et il voit du pays mais il n'est pas certain de supporter cette vie encore longtemps. Il voudrait jouer la musique qu'il aime et s'autoriser toutes les fantaisies qu'il a en tête. Mais sa musique est faite pour être jouée dans des salons et non sur les places de village. Il doit trouver un emploi fixe et tenter de gagner le cœur des bourgeois s'il a l'opportunité de leur présenter son travail. Mais il sait qu'il doit avant tout s'autoriser pleinement à jouer sa musique et laisser libre cours à son imagination. Il se demande s'il parviendra jamais à retrouver son rang social et sa fortune passée.

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Le diable se penche sur le destin de son violon en ce dernier jour de l'année, il se fait la réflexion que les hommes sont inconstants et qu'ils ne bâtissent pas l'avenir, ils laissent souvent la vie décider pour eux de leur destinée et ils se contentent de préparer leur avenir immédiat sans vision à long terme. Il sait que si Florentin avait préféré chercher un emploi fixe comme professeur de musique à son compte, il serait reconnu pour son talent car il aurait eu assez de revenus pour jouer et travailler ce qu'il aime dans sa maison. Et sa position sociale aidant, il aurait pu peu à peu voir reconnaître ses idées et confiant en ses capacités, il se serait autorisé les fantaisies dont il rêve aidé par ses relations ; il n'aurait pas à vivre cette vie de vagabond qui ne convient pas à son talent. Il s'interroge, le violon semble s'être entiché de son propriétaire et il lutte contre sa nature de toute son âme ; Satan en déduit que Florentin crée son propre malheur et que sa création n'a pas la part qu'il avait prévu dans sa destinée. Déçu, il se demande quel intérêt il a à suivre les pérégrinations de son violon dans ces conditions, il doit y remédier. Une coupe de champagne à la main, il trinque à la bonne santé de son violon avant de se servir un toast au foie gras pour fêter la nouvelle année. Le maître des enfers sourit à l'idée que sa capacité à traverser l'espace et le temps lui permet de profiter de la vie à sa guise. Il se demande ce que l'objet de son amusement ferait de ce pouvoir avant de rire aux éclats, il est cocasse que le maître des enfers fête la naissance du fils de son ennemi mais il ne voit pas pourquoi il ne profiterait pas de cette occasion pour s'amuser.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 27 août 2018 à 20h28
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