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tome 1, Chapitre 6 tome 1, Chapitre 6

- Vous avez un nouvel habit ?

- Oui, je n'avais qu'un costume simple et un autre plus fantaisiste. Celui brodé au fil d'argent que je mets quand je suis convié à jouer pour des fêtes. Vous devez l'avoir vu.

Victoire hoche la tête en examinant le costume de drap fin couleur bleu de Prusse brodé d'un fil gris clair en des motifs orientaux. Elle note sa bonne facture, son bon goût en la matière et surtout que l'habit souligne le corps du musicien de la façon la plus charmante qui soit.

- Il vous sied à merveille. Bien où en étions-nous ?

Florentin lit la partition en remuant les lèvres, il tente d'imaginer la musique, une main sur l'épaule de la jeune fille. Le large décolleté de sa robe gris perle très simple rehaussé d'une fine dentelle dévoile largement ses épaules et il sent la peau douce de la demoiselle sous ses doigts, elle ne l'a pas repoussé et il se laisse aller à suivre la courbe de son cou du pouce un bref instant avant de reprendre son instrument. Troublée, Victoire sursaute lorsque son père entre sans frapper. Les joues rosies par l'émotion, elle sourit pour reprendre contenance.

- Pardon, père, j'ai oublié l'heure, j'arrive ! J'avais prévu d'aller en ville faire des emplettes, je suis désolée, il est tard ! Ce sera tout pour aujourd'hui, Florentin, merci. dit-elle en quittant la pièce à la suite de son père.

Seul, le jeune musicien songe qu'il a été imprudent avant de rejoindre l'office pour manger sans appétit. Il ne parvient pas à réprimer son attirance pour la belle Victoire et il sait qu'il risque de perdre sa place mais il y avait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti aimé et écouté avec tant d'attention.

Après avoir mangé seul, il rejoint le salon de musique et il travaille sur la pastorale qu'il compose, il joue et rejoue un passage qui ne le satisfait pas durant des heures sans succès. Déçu, il abandonne ses partitions qu'il jette dans la pièce d'un geste rageur et il décide de descendre dans le jardin pour profiter du beau temps. Il se fait la réflexion qu'il passe trop de temps à l'intérieur et qu'il devrait sortir plus souvent. Calmé par sa promenade, il rejoint le salon de musique et il s'arrête à la porte. Le clavecin semble chanter sa musique et les imperfections lui sautent aux yeux, il note mentalement les parties à reprendre avant d'entrer sans bruit dans la pièce. Victoire, concentrée, joue le morceau, butant sur certaines notes sans le remarquer. A la fin de son interprétation, elle se retourne sentant sa présence juste derrière elle.

- Vous êtes là, je me croyais seule, je suis désolée, je n'aurais pas dû mais la curiosité a pris le pas sur la bienséance.

- Ne vous inquiétez pas, vous m'avez permis de comprendre ce qui ne me satisfait pas dans ce morceau. lui répond le jeune homme, l'esprit ailleurs. Permettez-moi d'effectuer les corrections avant de nous mettre au travail.

Elle acquiesce et une fois que Florentin se montre satisfait de sa composition, ils reprennent le morceau qu'ils travaillaient. A la fin de la séance, alors qu'il allait partir, elle lui prend la main pour lui annoncer que la famille sera absente durant un mois pour aller voir des parents. Il aura donc des congés qui lui seront payés, il pourra travailler à loisir dès le lendemain. Florentin acquiesce, il sent son cœur se serrer, la jeune fille va lui manquer.

Durant trois jours, les préparatifs de départ agitent la maisonnée. De tous côtés, les domestiques et les membres de la famille courent en tous sens pour faire les malles et préparer des provisions pour le voyage. Une berline noire les attend dehors et Florentin les regarde partir par une fenêtre de l'étage donnant sur la cour. Avec un pincement au cœur, il rejoint le salon de musique vide et il s’assoit sur une des chaises suivant du doigt le contour de la petite table ronde en bois exotique sombre.

- Un mois !

La tête dans les mains, il se demande ce qu'il va faire. Il pourra travailler à sa guise et visiter la ville puis il se dit qu'il n'a pas la moindre idée de ce que font les domestiques lorsque leurs maîtres sont absents, il tente de se souvenir de ceux de ses parents mais il n'a pas la moindre idée de ce qu'ils pouvaient faire lors de ces occasions. Avec hésitation, il se rend dans les communs mais l'étage étant inoccupé, il rejoint la cuisine où il trouve les serviteurs rassemblés autour de la table.

- Florentin, nous nous demandions où tu pouvais bien te cacher.

- J'étais dans le salon de musique, comme toujours.

- Il est vrai qu'on ne te croise qu'aux heures de repas. Nous ne savons rien de toi. continue l'homme à tout faire en lui servant de la soupe.

- Il n'y a rien à dire sur moi. répond le musicien d'un ton un peu sec avant de commencer à manger.

La femme de chambre notant son trouble lui demande alors s'il se joindra à eux durant la soirée. Avec candeur, il lui demande plus de précision.

- Les choses habituelles : jouer aux cartes, chanter, danser, boire, tu pourrais jouer de la musique pour nous. Les choses que nous ne faisons pas lorsque les maîtres de maison sont là.

- Je vois. Avec plaisir.

- Tu n'as jamais vécu dans une grande maison ? s'enquiert l'homme à tout faire.

- Si, bien sûr, durant la majeure partie de ma vie.

- Tu devrais savoir tout cela pourtant.

Le regard inquisiteur de l'homme le détaille et Florentin se trouble. Il ne répond rien et les secondes s'écoulent pendant lesquelles le rouge lui monte aux joues, il sent qu'il se doit de dire quelque chose et il fait la seule réponse qui lui semble appropriée.

- Non, je ne sais pas ce genre de choses. Ces derniers mois, j'ai joué dans des bals et des soirées pour l'essentiel.

- Et avant ?

Le jeune homme ferme les yeux et son visage se crispe alors que les souvenirs affluent.

- Je ne veux pas en parler. dit-il d'une voix blanche.

- Pardon mais on ne sait rien de toi depuis le temps. Et on voulait juste te connaître mieux. Et puis, c'est vrai qu'on s'interroge, tu n'es pas comme nous, tu as des manières et de l'éducation, ça se voit à ta façon d'être. On se dit que tu t'es peut-être enfui de chez toi pour jouer ta musique. Bon, nous avons tous du travail à faire. Rendez-vous ce soir après le repas dans l'office.

La journée durant, le jeune homme corrige ses partitions et il travaille sur son instrument. Il apprécie la solitude de la pièce mais son regard se tourne régulièrement vers le clavecin silencieux. Il le caresse un moment avant de lui murmurer :

- Toi aussi, elle t'a abandonné...

En fin d'après-midi, il va se promener en ville et il regrette de n'avoir rien à faire, il flâne dans les rues, errant sans but. Il caresse un moment un chat à qui il parle de sa solitude avant de se décider à rentrer ; en chemin, il s'offre une tarte aux fruits confits qu'il savoure avec délectation. De retour dans la maison, il travaille sa technique jusqu'au soir.

Les jours passent, le musicien travaille trop sur ses créations, l'instrument se montre coopératif et il n'est pas rare qu'il se couche à l'aube. Comme une âme en peine, il erre de pièce en pièce lorsque les domestiques n'ont rien à y faire. Il passe la plupart de son temps à travailler dans le salon de musique vide ou à dormir dans sa chambre. Un matin, il ouvre les yeux et sa bourse pleine attire son regard. Il décide d'en profiter de se changer les idées et vêtu sobrement de son costume noir habituel, il flâne dans la ville à la recherche d'inspiration. Il mange dans une taverne à bon marché et il s'achète quelques pâtisseries qu'il savoure sous le soleil estiva ; il songe qu'il s'ennuie sans Victoire et qu'il attend son retour avec impatience. Le soleil chasse sa fatigue et c'est en chantonnant qu'il rentre.

Fatigué par le manque de sommeil, Florentin accepte néanmoins les propositions qui se présentent à lui. Durant ses soirées, il est convié à jouer dans les salons bourgeois tels ceux qu'il a connu enfant et il s'ennuie, observant autour de lui, artiste invisible aux yeux de ceux qui auraient été ses amis et non ses maîtres dans d'autres circonstances. La solitude lui pèse et peu à peu, il sombre dans une douce mélancolie que la musique seule parvient à chasser. Il attend le retour de Victoire avec impatience, se surprenant à compter les jours qui le séparent de ce moment tant espéré. Les compositions inachevées s'accumulent sur son bureau mais il ne parvient pas à les terminer. Les soirées dans l'office à jouer aux cartes et danser avec les domestiques ne suffisent pas à l'égayer et il ne retrouve son entrain que les rares soirs où il se rend dans les bals de village pour jouer et parfois participer à la fête sans son instrument ; entouré des danseurs qui rient et dansent, il sent presque à sa place.

xXxXx

Florentin s'éveille en sursaut. Des bruits à l'étage du dessous, des éclats de voix ont brisé le silence. A la hâte, il ouvre les rideaux et le soleil haut dans le ciel lui apprend qu'il est tard. Les gestes lents, il s'habille après une rapide toilette qui ne l'a guère éveillé. Il observe le désordre de sa chambre et il s'empresse d'y mettre un peu d'ordre et d'aérer, chassant l'air vicié par son long enfermement. Le mois d'août tire à sa fin et son regard se pose sur ses compositions inachevées avant de descendre à l'office déjeuner.

-Les maîtres sont de retour. lui annonce la cuisinière.

- J'ai entendu. répond-il en se servant.

- Tu aurais dû profiter de nos soirées pour venir t'amuser avec nous mais tu préfères tes bourgeois.

- On m'a offert de travailler, je n'allais pas refuser.

- Tu as raison, toi, tu as une chance de ne pas finir ta vie ici. Dépêche-toi, la demoiselle va sûrement te demander de jouer avec elle aujourd'hui. Je l'ai croisée et elle semble d'humeur joyeuse.

- Dire que j'ai commencé plusieurs morceaux que j'espérais finir rapidement... conclut-il en achevant son repas.

- Tu aurais dû être levé depuis longtemps, heureusement que les maîtres n'ont pas demandé après toi. Fais attention, mon garçon, ne prends pas trop tes aises ici et reste à la place qui est la tienne.

En milieu d'après-midi alors que le jeune homme lit dans sa chambre, on toque à la porte. Peu après, Victoire entre dans la petite pièce. Surpris, il se lève aussitôt s'interrogeant sur la raison de sa visite.

- Je vous attendais...

- Je suis désolé, vous m'aviez laissé un billet ? Je ne l'ai pas vu, je pensais...

- Ce n'est rien. Je vous attends. dit-elle en quittant la pièce après l'avoir rapidement examinée remarquant le désordre qui règne en maître et les partitions inachevées abandonnées sur la table.

Florentin se souvient alors du billet qu'il a lu machinalement le matin même tandis qu'il avait l'esprit ailleurs.

- Tu n'arriveras à rien dans la vie, mon vieux, si tu continues à vivre dans un autre monde que celui-ci. se gourmande-t'il en se levant.

Il remarque alors l'état de sa petite chambre et il se promet de la ranger dès son retour.

- Vous ne m'avez pas dit sur quoi vous aviez travaillé durant notre absence... lui demande la jeune fille alors qu'il pénètre dans le salon de musique.

- Des compositions.

- Je parlais des morceaux que nous avions travaillé avant mon départ. précise Victoire d'un ton exaspéré.

- Je suis désolé, je ne les ai pas réellement répétés. répond le musicien en se reprochant son manque de sérieux.

- Qu'avez-vous fait dans ce cas ?

- J'ai travaillé sur mes propres compositions, sur ma technique et je suis parfois sorti me promener ou à la taverne. Et vous ?

La jeune fille sourit, amusée et Florentin comprend qu'elle parlait de sa musique. Les yeux au ciel, il maudit sa distraction qui pourrait lui coûter sa place.

- Rien d'intéressant. Des bals, des repas sur l'herbe, des jeux et des promenades. Mais ce n'est pas ce que je désirais savoir.

- Pardonnez-moi, j'avais la tête ailleurs... Je n'ai guère joué l'air sur lequel nous jouions avant votre départ, j'en suis désolé.

- Je vois... Mettons-nous au travail dans ce cas.

Les jours suivants, il veille tard pour tenter de terminer les multiples compositions inachevées qui jonchent son bureau. La fatigue et les leçons avec Victoire qui le sollicite de longues heures ne lui laissent pas autant de temps qu'il l'aurait souhaité pour travailler. Néanmoins, si au fil des jours, il comble son retard, la fatigue s'accumule. Epuisé, le jeune homme se montre moins prudent et moins réservé et bientôt Victoire lui raconte ses sorties avec ses amies au théâtre ou à des concerts lors de sa longue absence. Heureuse d'avoir quelqu'un de son âge à qui parler sans filtre de ses états d'âme, elle se livre peu à peu au fil des jours.

Un matin, alors que le musicien profite du salon de musique désert pour jouer une composition qui ne le satisfait pas, Victoire qu'il n'avait pas vu entrer lui propose de la lui jouer au clavecin si cela peut l'aider. Il accepte et sans réfléchir, il s’assoit sur la banquette où elle a pris place, corrigeant de rapides traits de plume la partition au fur et à mesure que la jeune fille l'interprète. Patiente, la claveciniste recommence jusqu'à ce que le compositeur se déclare satisfait.

- Merci. Vous m'avez grandement aidé.

- Ce n'est rien, cela m'a diverti. Je dois y aller, à cet après-midi.

Lorsqu'elle sourit ses yeux verts s'illuminent et Florentin se contente de sourire à son tour sans répondre. Il la suit des yeux lorsqu'elle quitte la pièce et c'est la tête ailleurs qu'il descend à l'office pour prendre son repas.

Le mois de septembre particulièrement chaud et beau met Florentin d'humeur joyeuse. Sur la réserve depuis le retour de Victoire, le musicien s'enhardit à reprendre sa cour auprès de la jeune fille qui ne le repousse pas. Seuls dans le salon de musique, ils s'entraînent sur des duos romantiques que le jeune homme n'apprécie guère mais il se plie à la bonne volonté de la jeune fille de son cœur. Il se plaît à lui faire jouer des airs à danser et ils chantent les notes en tournoyant tous deux dans la grande pièce avant de se remettre au travail. Les joues rosies, ils se sourient et ils fredonnent ensemble les mélodies enjouées que le musicien choisit avec un soin particulier chaque soir pour le lendemain. Lorsque les parents de la jeune fille s'absentent, les deux jeunes gens se retrouvent dans le salon de musique ou dans la bibliothèque où ils lisent le même livre dans les bras l'un de l'autre. Souvent, le musicien songe que cette folie pourrait lui coûter cher mais son cœur se serre à l'idée de rompre et il n'a pas le courage de mettre un terme à leur relation se traitant de couard et de lâche.

Un matin, la demoiselle a griffonné sur le billet quotidien indiquant l'heure de leur rendez-vous une signature où elle est parvenue à glisser un cœur que lui seul remarque. Un sourire illumine son visage que personne ne voit autour de la table. Ce jour-là, le musicien trouve Victoire dans le salon de musique, un livre à la main. Elle lit pour passer le temps et elle lève les yeux à son approche. Florentin referme avec soin la porte avant de prendre la jeune fille dans ses bras et de la garder serrée contre lui un long moment. Ses lèvres contre la peau tendre de son cou, il lui chuchote :

- J'aime me promener dans le jardin la nuit, le temps est encore chaud. M'y rejoindrez-vous à minuit ? Je vous y attendrai.

Puis il l'embrasse avant de lui rappeler qu'ils sont supposés travailler. Le musicien s'en veut de sa hardiesse, les mots lui ont échappé et il mesure son imprudence mais il est trop tard. Ils répètent à de nombreuses reprises leur duo jusqu'à s'estimer satisfaits de leur travail. Le musicien se plonge dans la composition d'un menuet pour passer le temps jusqu'au repas de la mi-journée où il mange l'esprit ailleurs. Tout l'après-midi, travaille un morceau qu'il verrait bien dans un opéra mais le jeune homme ne se sent pas le courage de se lancer dans une entreprise d'une telle ampleur. Il le reprendra peut-être dans un morceau plus long, il verra par la suite.

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La nuit venue, Florentin sort à pas de loup de sa chambre. Il craint de faire crier le parquet sous son poids et il écoute les bruits alentour en descendant les escaliers. Un soupir de soulagement lui échappe lorsqu'il se trouve au rez-de-chaussée dans le petit couloir qui mène au jardin par un étroit escalier depuis le premier étage où vit la famille du notaire. Dans le jardin, il cherche la silhouette de la jeune fille un moment avant de la voir dans le noir, faiblement éclairée par la lune.

- Vous êtes venu, j'avais craint que vous ne vous moquiez de moi. souffle-t'elle.

- Jamais je ne ferais ce genre de farces à une demoiselle. Venez.

Main dans la main, les deux jeunes gens marchent en chuchotant à voix basse avant d'aller s'asseoir dans l'herbe pour observer les étoiles. La jeune fille entre ses bras, Florentin se décide à interroger Victoire sur son fiancé.

- Il n'y a rien à dire. Nous sommes du même milieu social, il fera un bon époux. Je le connais mal, il est souvent en déplacement pour les affaires de son père et il est en voyage de fin d'études d'un an. Nous ne nous voyons jamais seuls, il m'écrit de temps en temps des lettres raisonnables qui se veulent romantiques. Au fond, nous nous connaissons peu ; je ne prétends pas ne pas l'aimer mais je ne peux pas dire non plus que je l'aime. Il sera un bon époux et nos deux familles se conviennent, c'est tout ce qui compte.

Florentin songe à ses parents et au mariage qu'ils auraient aimé le voir faire, il s'imagine leur présentant Victoire.

- Et vos parents ? Qu'auraient-ils pensé de moi ? Et de notre conduite ? s'enquiert-elle.

- Tu leur aurais plu et je crois qu'ils auraient trouvé cela romantique. murmure le musicien, pensif.

- Mon père ne doit jamais rien savoir de nos entrevues, il serait furieux. Tu ne parles jamais d'eux.

- Il n'y a rien à dire, j'ai eu une enfance heureuse et plutôt libre dans une famille aimante, la maladie a emporté mes parents, je me suis retrouvé seul au monde et j'ai fait ce que j'aimais par dessus tout pour chasser mon chagrin et trouver une raison de vivre : jouer de la musique.

Victoire frissonne, il l'attire contre lui pour la réchauffer, il sent son cœur battre contre sa poitrine, il se sent bien assis dans l'herbe, la jeune fille blottie contre lui. Une demi-heure plus tard, ils rentrent main dans la main.

Prié de se rendre à une fête chez ses maîtres, Florentin s'exécute à contrecœur. La tête ailleurs, il joue des airs qu'il connaît par cœur et qu'il a joué maintes fois lors de diverses réceptions. Comme de coutume, personne ne semble le remarquer ; les convives absorbés par leurs conversations et leurs rires l'ignorent. Le jeune homme s'ennuie et il cherche Victoire des yeux qui rit aux éclats avec des jeunes filles de son âge. Elle se retourne alors, comme si elle avait senti son regard sur elle et elle lui sourit un bref instant avant de détourner les yeux. Le jeune homme se lance dans un des morceaux qu'ils jouent souvent ensemble, leurs regards se croisent de nouveau. Enfin, les convives quittent les lieux et le musicien est remercié. Libéré de ses obligations, il rejoint rapidement l'office où les domestiques se livrent à des parties de cartes en riant. Fatigué et mal à l'aise, le musicien salue rapidement et il mange avant de remonter dormir. Les fêtes chez ses parents le hantent un moment mais la fatigue finit par avoir raison de sa tristesse. La journée suivante se passe comme de coutume ; lorsque le moment de la leçon de fin de matinée avec Victoire arrive, il espère faire bonne figure.

- Arrêtez, ça ne peut pas continuer ainsi !

La peau blanche de Victoire a pris une teinte rouge sous l'émotion et elle s'en veut d'avoir crié si fort. Mais il est trop tard et l'air interloqué et contrit du musicien ne font qu'augmenter son malaise.

- Qu'avez-vous ? interroge-t'elle d'une voix radoucie.

- Je ne me sens pas très bien.

- Vous êtes souffrant ou malade ?

- Je suis seulement triste ces jours-ci.

- Va danser ce soir !

- Il fait trop froid pour cela. répond Florentin avec un léger sourire.

- Je ne sais pas, va boire à la taverne comme le font les domestiques et sois un peu plus gai demain.

- Vos désirs sont des ordres, mademoiselle. Puis-je me retirer ?

Elle hoche la tête, le regardant sortir avant de se remettre à jouer en s'interrogeant sur le mystérieux jeune homme.

Comme promis, Florentin rejoint la taverne où il trouve comme il le supposait Antoine, le domestique voisin qui l'accueille avec un rire joyeux. Les deux hommes boivent un peu plus que de raison mais la tristesse du jeune violoniste s'envole verre après verre.

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Les derniers bals de la saison occupent les soirées et les nuits du musicien qui profite de sa liberté retrouvée. Il se plaît à faire danser la foule et à se mêler aux paysans, qui peu à peu le reconnaissent, autour d'un repas et de vin. Il met précieusement de côté les quelques pièces qu'il gagne et il n'est pas rare qu'un marchand regagnant la ville ne le hèle proposant de le raccompagner. De retour chez le notaire, Florentin se glisse dans la chambre de Victoire à qui il fait le récit de sa soirée. Celle-ci l'écoute, des étoiles plein les yeux, la tête sur la poitrine du maître de musique remarquant son cœur qui bat plus vite en parlant musique.

- Qu'as-tu donc là ?

Elle examine le long poil blanc qu'elle vient de récupérer sur la tunique noire du jeune homme à la lueur de la lune qui est pleine ce soir-là.

- Ce doit être un poil de chat, il n'est pas rare que je fasse connaissance avec ceux que je croise. Il a dû résister au lavage de ma chemise.

- Il devait être fort beau, vu la longueur de ses poils.

- Je me souviens de lui. Une boule de poils soyeuse et ronronnante qui a tenté de me charmer avec succès de ses grands yeux bleus. Il était beau, en effet.

- Nous ne nous voyons guère en ce moment. chuchote la jeune fille, boudeuse.

Florentin soupire, caressant son visage du bout des doigts, suivant l'arête de son nez et le contour de ses lèvres.

- Je sais mais j'ai beaucoup de travail, je peine à terminer ce menuet dont je t'ai parlé et je suis fatigué, je dors peu en ce moment. La cuisinière ne cesse de me faire remarquer mes cernes et mon teint pâle.

- Tu n'es pas raisonnable.

Le jeune homme sourit sans répondre car il sait qu'elle a raison. Il l'embrasse pour mettre fin à la discussion et tandis qu'il s'abandonne entre ses bras, il se demande quelle est la nature exacte de ses sentiments pour Victoire. Mais il sait qu'aucun avenir n'est possible au vu de leur différence de rang social, il n'a ni amis ni famille pour l'appuyer quand bien même elle ne serait pas fiancée. Ils ne peuvent s'aimer et elle-même n'a jamais abordé le sujet. Il doit vivre au présent, il a un toit et à manger, de bons gages, du temps pour travailler sa musique, que demander de plus ?

Le lendemain, il va se promener dans les rues après avoir quitté la jeune fille de son cœur, il observe la ville qui s'éveille et commence à s'agiter. Il ne sait où aller alors il flâne le long des rues errant sans but. Préoccupé, il s'interroge sur son avenir à long terme et il se demande s'il ne devrait pas chercher une autre place. Mais il se rassure à la pensée que le mariage de Victoire sonnera la fin de son contrat, il a le temps de trouver un autre emploi et de profiter de ses bonnes conditions de travail. Il revient à l'heure du dîner, heureux et le soir venu il s'endort comme une masse rêvant de gloire.

Quelques jours plus tard, il s'éveille tard, obligeant la claveciniste à venir toquer à sa porte. Il se prépare rapidement et il s'excuse auprès de sa bonne amie, il a veillé tard. Elle soupire avant de le serrer contre elle.

- Tu as mangé ?

- Non, je viens de me lever, comme tu t'en doutes, j'ai travaillé tard.

- Tu veux que j'aille chercher quelque chose à la cuisine ?

- Je veux bien le temps que je m'installe et que j'achève de me réveiller.

Avec un sourire, elle quitte la pièce pour se rendre à l'office où elle remplit une petite assiette. Florentin a choisi le morceau du jour et il mange tandis qu'elle s'entraîne au clavecin. Puis il la rejoint et il tente de lire la partition par-dessus son épaule en mimant les notes pour ne pas la déranger. Il joue le morceau plusieurs fois rapidement pour s'en imprégner quand une voix le sort de ses pensées.

- Mais tu ne respectes pas le rythme !

- Pourquoi faire ? Il est noté sur la partition et l'air est assez répétitif, j'ai le rythme en tête, il me suffit de revoir les doigtés.

Elle hausse les épaules et le laisse faire, silencieuse, le regard perdu par la fenêtre. Enfin, il lui embrasse doucement l'épaule et ils se mettent à jouer un long moment s'accordant peu à peu jusqu'à atteindre l'harmonie. Puis le violoniste sort une partition de son cru qu'il a prise en quittant sa chambre, un air à danser qu'il aime jouer sur les places et dans les bals champêtres. Surprise, la demoiselle le regarde.

- Qu'est-ce donc ? C'est de toi ? demande-t'elle, un soupçon de mépris dans la voix qu'il choisit d'ignorer.

- Oui

- Mais c'est technique, tu arrives vraiment à jouer ça ? Et on dirait un air paysan.

- Bien sûr puisque c'est moi qui l'ai créé. Et oui, c'est un air paysan, un air pour danser. Attends, je te montre.

Il tente de jouer l'air par cœur espérant l'impressionner mais il l'a quelque peu oublié. Rougissant de sa bêtise, le jeune homme reprend sa partition et il la suit attentivement jusqu'à ce que les notes et les gestes lui reviennent. Il est curieux et anxieux d'avoir son avis sur sa création.

- C'est sympathique et champêtre. dit-elle après un long moment de silence sous son regard interrogateur.

- J'aimais jouer ce genre d'air sur les places des villages que j'ai traversé. Je profite de mon temps libre pour terminer de les corriger et de les mettre au propre.

- Tu jouais sur les places de village ?

Interloquée, elle le regarde, surprise. Conscient de sa bévue, son amant se mord la lèvre avant de répondre d'un ton un peu plus dur qu'il ne l'aurait voulu.

- Oui, j'ai passé tout l'hiver sur les routes à aller de place de village en place de villes plus grandes. Et le printemps aussi. J'ai joué dehors et même dormi dehors parfois. Pourquoi ?

- Mais je te croyais professeur ! Alors que tu n'es qu'un vagabond !

- Je suis musicien avant tout. Disons que j'étais musicien ambulant si ce terme te convient mieux. Compositeur, interprète avec une solide formation musicale, j'ai eu les meilleurs professeurs. Quant à enseigner la musique, on peut dire que je suis inexpérimenté. Mais j'ai été engagé pour t'accompagner, cela ne demande pas d'être professeur avec des références, juste de savoir jouer et s'adapter.

- Mon père le sait-il ?

- En partie, il a dû oublier les lettres de recommandation qu'il m'avait demandé lors de notre rencontre.

- Fort bien, je ne lui en dirai rien, sois tranquille sur ce point. Reprenons !

Florentin soupire de soulagement, il a craint qu'elle ne le considère comme un imposteur et ne le chasse.

- Mais tu veux voir sur quoi je travaille en ce moment ? C'est brut et non corrigé.

- Avec plaisir.

Il l'embrasse et monte à sa chambre prendre ses brouillons. Ils passent deux semaines à corriger la partition et à la retravailler pour obtenir un résultat satisfaisant avant de se lancer dans un débat sur les règles de composition à respecter. Florentin considère qu'elles ne sont là que pour mieux s'en affranchir tandis que Victoire juge qu'une musique sérieuse et professionnelle se doit de respecter les règles établies. Leur débat enflammé se prolonge jusqu'à une heure avancée et n'est interrompu que par l'irruption soudaine du notaire qui vient rappeler à sa fille que l'heure du repas est passée depuis bien longtemps et qu'il l'attend.

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Une main secoue son épaule et Florentin ouvre les yeux.

- Cesse de chantonner, on va t'entendre !

- Je ne...

Le musicien se souvient qu'un domestique de son père lui avait fait la même remarque et il ne dit rien. Il embrasse Victoire dans les cheveux avant de la prendre dans ses bras et de se rendormir en marmonnant qu'elle a sans aucun doute raison car il n'est pas rare qu'il se réveille en sursaut avec un air en tête. L'automne arrive à grands pas et au petit matin, Florentin entre sans bruit dans le salon de musique pour regarder le jour achever de se lever sur le jardin. Il sourit béatement face au spectacle du ciel pâle qui se colore de rose et d'or. Ses yeux plongent vers le jardin où les feuilles mortes forment un tapis dans un dégradé allant du jaune au rouge mêlé de vert. Puis ses yeux se perdent au-delà de la grille et il se rend compte que ses grandes marches lui manquent, l'envie de retrouver les chemins de campagne se fait pressante. Il se promet de profiter de son prochain jour de repos pour se promener longuement dans la nature qui l'appelle. Mais sa journée de travail l'attend et il se glisse en silence dans sa chambre, incapable de dormir, il dessine la vision enchanteresse qu'il a vue à travers la fenêtre sans grand succès.

L'automne colore les arbres d'un arc-en-ciel multicolore et le musicien profite de ses jours de congés pour rejoindre les routes de campagne qu'il affectionne tant. Retrouver la nature dans toute sa splendeur l'apaise et l'inspire. Il fredonne des airs champêtres et il lui arrive de s'arrêter pour jouer un moment sur le bord de la route ou de s'enfoncer dans les bois alentour pour goûter à la solitude parmi les arbres flamboyants. Les feuilles mortes craquent sous ses pas et il entend les oiseaux se répondre en un concert joyeux et malhabile. Il griffonne un petit air pour tenter de reproduire leurs chants qui se mêlent et se répondent dans le calme des sous-bois.

Une semaine plus tard, alors qu'il travaille son jeu dans sa chambre, il entend frapper à la porte. La femme de chambre entrouvre celle-ci pour l'informer que la demoiselle le fait demander dans le petit salon avec son instrument où elle est avec quelques amies. Le violoniste soupire et il obéit, contraint et forcé. Il regrette son statut de musicien vagabond qui n'avait pas d'autres obligations que de satisfaire ses fantaisies malgré sa pauvreté. Les gloussements des jeunes filles lui parviennent à travers la porte et il colle un moment l'oreille contre le bois peint pour tenter de surprendre leur conversation mais il ne perçoit qu'un brouhaha entrecoupé de rires et il se décide à toquer à la porte. Peu après, il salue les cinq jeunes filles qui continuent leurs conversations comme si de rien n'était. Florentin se sent invisible et il cherche dans sa mémoire s'il agissait ainsi avec ses domestiques lorsqu'il vivait chez ses parents. Incapable de répondre, il reste debout à attendre quelques instants, son instrument sous le bras.

- Vous m'avez fait demander, mademoiselle ?

- Pardon, vous êtes là. Oui, nous aurions, mes amies et moi, souhaité vous entendre jouer quelques airs de votre composition, vous savez les airs enjoués que vous m'avez parfois joué.

- Vous voulez des airs à danser ? s'enquiert-il d'un ton surpris ne s'attendant pas à cette demande. Je veux dire des airs champêtres. Enfin, pour les bals paysans...

- Oui, ceux-là même. Vous me semblez mal à l'aise... remarque Victoire d'une voix douce. Ou autre chose ?

- Non, je ne pense pas ces airs de musicien vagabond appropriés à un petit salon mais si tel est votre désir, mesdemoiselles, je m'y plierai volontiers.

Son regard croise celui de Victoire qui a relevé son amertume mais elle ne dit rien. Bientôt, les jeunes filles dansent en riant dans le petit salon et le violoniste les regarde avec un sourire amusé qu'il ne tente pas de dissimuler.

- Vous vous moquez, monsieur ?

- Pardon ? Je ne me permettrais pas d'agir ainsi, je suis juste heureux de vous voir vous amuser ainsi et que ce soit un peu de mon fait. Je ne voulais pas me montrer insolent ou irrespectueux envers vous, mademoiselle.

Les yeux braqués sur lui et le regard dur de la jeune fille qui lui fait face dans sa sévère robe gris foncé brodée de motifs floraux multicolores le met mal à l'aise. Il note le lourd tissu et la finesse des broderies, ses yeux s'attardent un instant sur les bijoux ornés de pierres fines de la demoiselle qui lui fait face en ouvrant et refermant son éventail avec des gestes secs. Florentin cherche Victoire des yeux qui prend la main de son amie et le prie de jouer ce qu'il veut. Après un instant de réflexion, il opte pour une ballade bien connue pour faire plaisir à la jeune fille de son cœur avant d'enchaîner sur un rondeau de sa composition. Il ne peut ignorer son succès auprès des amies de Victoire qui se parlent à voix basse en le regardant, minaudant derrière leurs éventails ouverts.

Cet intermède lui donne envie de composer des airs destinés aux salons et il passe quelques temps à les travailler. Il teste de nouvelles suites de notes et il essaie d'augmenter sa vitesse de jeu. Mais peu satisfait, il remise ses feuillets dans les tréfonds de sa sacoche dans l'espoir de les corriger un jour s'il trouve l'inspiration et l'envie de les retravailler. Un après-midi, alors qu'il s'est fait un thé dont il a renouvelé les provisions peu de temps auparavant, il se demande comment réaliser ses rêves de gloire. Il ne voit pas comment un simple domestique, fut-il professeur de musique dans une maison bourgeoise pourrait trouver son public et atteindre les hautes sphères de la société sauf à faire un mariage bien au-dessus de sa condition actuelle ce qui lui semble improbable. Les yeux dans le vague, il griffonne dans un coin de sa partition quand il entend la porte du salon de musique s'ouvrir derrière lui.

- Vous êtes là. Je pensais bien vous trouver ici. Mon père travaille dans son office et les domestiques sont occupés, nous sommes seuls pour quelques heures. dit Victoire avec un sourire.

Florentin délaisse ses feuillets pour lui ouvrir ses bras et bientôt, la jeune fille se blottit contre sa poitrine.

- Je t'ai dérangé dans ton travail ?

- Un peu pour être tout à fait honnête mais je ne faisais que mettre au propre un petit air sans importance, je manquais d'inspiration. Je sais qu'il n'est pas parfait et que j'en ai pour quelques temps pour obtenir ce que j'ai en tête. Mais tu ne me déranges jamais...

- Tu sembles contrarié. s'inquiète la demoiselle en lissant un pli soucieux sur son front.

- Mon instrument me manque. J'ai profité d'acheter de nouvelles cordes pour le faire réviser, je l'entretiens généralement moi-même mais j'ai estimé qu'il méritait un nettoyage en règle, de nouvelles cordes et un archet reméché de neuf. Je me sens orphelin sans mon compagnon de bois. J'aurais mieux fait de m'en charger moi-même comme je le faisais auparavant.

- J'imagine, en effet. dit-elle en cherchant ses lèvres.

- Ton père va devoir travailler longtemps ?

- Je pense qu'il en a pour quelques temps, en effet. Je sais qu'il a des visites à effectuer cet après-midi.

Florentin se décide à tirer sur un ruban de la robe de Victoire, bien conscient que leur manège est dangereux et que la moindre imprudence leur sera fatale mais cette situation ne lui déplaît pas et comme la jeune fille ne semble même pas songer aux risques qu'ils prennent, il se rassure quelque peu.

Ce soir-là, le violoniste se fait la réflexion que son bonheur est parfait. Il a tout ce qu'il peut désirer, il peut travailler sa musique à loisir et il a le temps de composer à loisir, il vit dans une belle maison et il mange à sa faim avec un ami pour sortir lorsqu'il le souhaite et une femme qui l'aime. Il sait que la situation ne peut durer mais il refuse de penser à l'avenir. Il songe combien le fil du destin est fragile et qu'il peut se briser en un instant. Ses pensées voguent vers ses parents, bourgeois vivant sur des placements financiers qui ont soudainement perdu de la valeur avant que la maladie ne les frappe tour à tour sans leur laisser le temps de trouver une issue favorable à leur situation ; ne restait que leur fils unique, seul au monde et inconsolable. Florentin soupire, les souvenirs de son enfance heureuse l'assaillent, il n'était pas préparé à se défendre, seul contre tous et d'autant plus seul que son entourage a tourné le dos à l'orphelin sans famille et sans ressources qu'il est soudain devenu. Triste, il tente de lire un roman philosophique qu'il a pris à la bibliothèque quelques jours plus tôt mais son cœur se serre et les larmes pointent. Il se sent terriblement seul et il traverse la maison pour rejoindre Victoire dans l'espoir d'y trouver le réconfort et la paix dont il a besoin.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 13 juin 2018 à 20h33
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