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tome 1, Prologue tome 1, Prologue

Assis dans son fauteuil d'obsidienne, calé dans des coussins de velours noir brodé d'argent, le diable fume un cigare. Les yeux perdus dans le vague, il laisse ses pensées vagabonder et il observe autour de lui dans le silence oppressant des enfers. Ses diablotins sont tous à leur travail et il profite de ce moment de solitude si rare. C'est qu'il a beaucoup de travail, ce n'est pas de tout repos que de veiller sur des milliards d'âme en renouvellement constant et de gérer leur rédemption. Le diable songe avec nostalgie à l'époque pas si lointaine où il allait se promener sur Terre pour tourmenter les humains.

- C'était le bon vieux temps ! dit-il en écrasant son cigare cubain.

Les mains croisées derrière le dos, l'humanoïde à la peau rouge vif qui souligne sa musculature puissante commence à tourner en rond en fouettant l'air de sa queue fourchue. Il passe une main griffue et lasse dans ses rares cheveux bruns et gras qui lui chatouillent les épaules. D'un bond, il se lève et il prend le carnet posé sur la table ronde en fer forgé d'un noir profond. Il doit avertir ses diablotins.

- Je vais m'absenter quelques temps et aller faire un tour sur Terre comme autrefois ! Je vous fais confiance pour ne pas prendre de retard ! écrit-il avant de glisser le billet dans la fente qui communique avec les ateliers. Satisfait, il se prépare à sortir en chantonnant.

Il choisit une petite ville de France qui lui semble charmante avec ses petites maisons à colombage et ses rues pavées. Il marche une partie de l'après-midi, enveloppé dans une chaude cape noire qui se couvre rapidement de neige ; il est presque seul dans les rues désertées en cette froide soirée d'hiver. Il croise quelques personnes qui marchent d'un pas vif pour rentrer chez eux un panier sous le bras. Le diable regarde droit devant lui, absorbé dans ses pensées mais soudain, il s'arrête. La petite église romane du village se dresse à quelques mètres devant lui et il commence à la contourner, il lui jette un regard mauvais mais il reste à bonne distance du lieu saint qu'il ne peut approcher de trop près. Un bruit attire son attention et il marche lentement vers la petite place devant l'église. Transi de froid, un musicien joue sous le porche, les lèvres et les mains bleues d'avoir joué alors que tombe la neige. La tête penchée sur le côté, le diable observe le jeune homme nu tête dans sa redingote noire et élimée. Il porte des gants de laine usés et un chapeau à large bord dans le même état est posé devant lui, prêt à accueillir des pièces qui ne viennent pas. Un pantalon gris à rayures blanches trop fin pour la saison et des chaussures vernies de belle facture complètent le costume majoritairement noir de l'artiste. Le diable s'avance et il jette une poignée de menue monnaie dans le chapeau puis il s'éloigne du crincrin que l'homme martyrise et semble faire hurler de douleur dans le froid de l'hiver. Un sourire aux lèvres, le maître des enfers vient d'avoir une idée.

De retour en son domaine, le Diable retrouve son apparence première et il réfléchit, assis dans son fauteuil. Une idée germe et il se verse une rasade de bourbon qu'il savoure, un sourire aux lèvres. Il se rend dans une petite ville de France choisie au hasard sur une carte après avoir vérifié qu'il y trouvera ce qu'il cherche et il reprend son apparence humaine pour aller se promener dans les rues. Après une longue errance dans les petites rues pavées, il trouve la boutique dont il passe la porte, tout sourire à l'idée de sa brillante farce.

- Bonjour, monsieur, en quoi puis-je vous aider ?

Le jeune luthier regarde l'homme face à lui, il retourne nerveusement un outil dans ses mains fines et musclées, couvertes de cals dus à son travail quotidien. Le diable se force à sourire et il examine les objets exposés dans la petite boutique. Il a trouvé le parfait artisan de sa farce, un jeune homme qui aime la vie, curieux et habile de ses mains. Il sait que cet homme travaille le bois comme un moine prie, c'est sa religion qu'il pratique avec ferveur au quotidien. Il creuse le bois avec amour et dévotion pour y graver de fins motifs floraux et végétaux, des feuilles, des fleurs, des tiges ou des branches d'arbre. Il sait que cet homme de vingt-cinq ans communique avec la matière vivante lorsqu'il la travaille, il lui parle à voix basse et il la caresse tendrement. Il est l'artisan parfait.

- Je voudrais un violon un peu spécial, je vous paierai en conséquence et je serai généreux, très généreux. dit-il d'une voix profonde en sortant un croquis de sa poche.

L'artisan tend la main et il examine longuement le papier avant de lever des yeux intrigués vers son interlocuteur.

- Je doute qu'un tel instrument puisse être joué... commence-t-il d'une voix douce.

- Je paierai ce qu'il faut pour ce instrument. Dites-moi votre prix, il sera le mien. Le reste est sans importance; l'amour de l'art, je ne vais pas vous apprendre ce que cela signifie.

Le luthier calcule rapidement le prix et le délai nécessaire à la confection de l'instrument, cette commande pourrait le rendre riche ; son client accepte sans discuter et il sort en le saluant d'un signe de tête.

Les semaines passent et le jour tant attendu arrive. Le Diable vêtu de ses plus beaux atours entre dans la boutique déserte. Il va chercher l'instrument dans l'atelier au fond du magasin, il le caresse longuement pour l'imprégner de son essence et il quitte les lieux non sans jeter un regard au corps sans vie du luthier. Il est tombé raide mort, foudroyé sur place sitôt que le Diable a passé la porte.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 2 avril 2018 à 23h21
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